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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/866

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avec des chandelles ou lampions posés le long de la rampe. « Des lampions » il ne reste d’autre souvenir que le rythme monotone sur lequel les spectateurs impatientés frappent le sol pour requérir l’allumage, c’est-à-dire le commencement de la représentation. Le financier Law, à ses frais, substitua la bougie de cire aux chandelles de suif à l’Opéra, et, seule de toutes ses entreprises, celle-là lui survécut. Soixante ans plus tard, sous Louis XVI, ce fut aux Français que le quinquet d’Argant fit son apparition première ; les journaux louèrent sans réserve le nouveau système et déclarèrent unanimement qu’on avait atteint la perfection[1].

Lorsque l’éclairage au gaz eut échoué à Paris, en 1820, Louis XVIII, qui l’avait apprécié en Angleterre, envoya M. de La Ferté, l’intendant des Menus, étudier son fonctionnement dans les théâtres de Londres. La Ferté fit, à son retour, installer à l’Opéra le gaz que, pour la première fois, les Parisiens admirèrent dans Aladin ou la Lampe merveilleuse : « A la lueur rouge et funeste pour la vue que produisaient les quinquets, dit le rapport enthousiaste de l’organisateur, succède une lumière douce semblable aux plus pures clartés du jour. » Et il disait vrai... relativement. Nous avons éprouvé la même sensation, relative aussi au coloris antérieur, lorsqu’il y a quinze ans, l’électricité remplaça le gaz. La qualité de l’éclairage n’était pas modifiée seule, mais aussi son intensité. Avec les 65 000 francs que l’huile, avant 1820, coûtait à l’Opéra, on avait une clarté trois fois moindre que celle que procura le gaz pour 90 000 francs par an. Aujourd’hui, quoique l’électricité soit beaucoup moins chère que le gaz de la Restauration, les frais de lumière de l’Opéra montent à 192 000 francs. Mais ils correspondent à une puissance qui eût fait rêver nos pères : 160 000 bougies, distribuées en des appareils de modèles variés. Les autres théâtres ont suivi une marche identique : à l’Opéra-Comique, ce chapitre s’élève à 108 000 francs, à 105 000 francs aux Français, et à peu près autant au Châtelet, pour un service de 3 000 lampes.

De ces lampes, une partie illuminent les escaliers, les foyers, la salle ; le lustre de l’Opéra équivaut à 8 000 bougies, et les girandoles du grand foyer à 9 600. C’est une question controversée de savoir s’il convient, aussitôt que le rideau se lève, de plonger

  1. Voyez dans la Revue du 15 juin 1896 le Mécanisme de la vie moderne, — l’Éclairage.