internationaux de pareilles vertus d’ascétisme, risquerait d’apparaître, à bref délai, comme l’ennemie de la patrie ; et il aimait mieux se rendre impopulaire à cette démocratie que de l’exposer elle-même, pour l’avenir, aux justes représailles de l’esprit de patriotisme. Nul ne savait avec plus de vigueur, parfois avec plus de cruauté, dégonfler une certaine phraséologie « républicaine. » Il était de mode, par exemple, dans les congrès internationaux où l’opinion française, représentée par quelques publicistes radicaux ou maçonniques, se laissait complaisamment tâter le pouls par des observateurs étrangers, de proclamer, avec une emphase largement souriante, que la France n’aspirait plus à d’autre gloire que celle d’être un phare de liberté ; et Ferry de riposter, à la tribune du Parlement : « Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l’activité qu’elles développent ; ce n’est pas par le rayonnement pacifique des institutions qu’elles sont grandes à l’heure qu’il est. » On étalait cette formule : « le rayonnement pacifique des institutions, » pour en obnubiler, comme d’un voile, la conscience nationale ; avec son ironie bien aiguisée, Ferry lacérait ce voile, et puis il continuait : « Le parti républicain a montré qu’il comprenait bien qu’on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui de nations comme la libre Belgique et la libre Suisse républicaine ; qu’il faut autre chose à la France ; qu’elle ne peut pas être seulement un pays libre, qu’elle doit aussi être un grand pays, exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient ; qu’elle doit répandre cette influence sur le monde et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie. » C’est en effet ce que comprenait Ferry et ce que, provisoirement, sa majorité semblait avoir compris.
Consultez un bon Français, quel qu’il soit, un de ces innombrables Français dont la spontanéité, toujours franche et parfois rude, exprime l’instinct même du peuple, un de ceux auxquels le drapeau « dit quelque chose, » qui aiment le soldat, respectent l’épaulette, et n’ont pas été gâtés par les romans « républicains » des Erckmann-Chatrian ; il trouvera toutes naturelles les paroles de Jules Ferry ; elles rendent trop exactement ce qu’il pense en son for intime, pour qu’il en apprécie la haute originalité. Mais relisez avec lui, tout de suite, la lettre qu’en septembre 1870 Jules Favre écrivait au ministre de Suisse : « Quand la France, disait Jules Favre, aura traversé la crise périlleuse