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rapports avec le Maghzen. Aux incidens habituels dont la liste ne s’épuise jamais, parce qu’elle se renouvelle sans cesse, est venu s’en ajouter un autre, d’un caractère plus grave. Un Français, nommé M. Pouzet, a été tué en mer sur la côte du Riff. Voici, d’après les renseignemens que nous avons pu réunir, comment les choses se sont passées. M. Pouzet, accompagné d’un ancien officier de marine, M. Say, était en relations commerciales avec les gens du Riff. M. Say, venant de la mer, a débarqué sur la côte avec cinq Marocains à son service, des bocouyas ; il était porteur d’un certain nombre de kilogrammes d’orge ; rien évidemment n’était plus pacifique que ses intentions. Cependant, le caïd de la tribu sur le territoire de laquelle avait débarqué M. Say a pris aussitôt à son égard une attitude agressive, et a commencé par arrêter les bocouyas qui l’accompagnaient, sous prétexte qu’ils étaient sujets marocains. L’un de ces derniers a essayé de s’échapper ; il s’est jeté à la mer pour regagner à la nage la barque où était resté M. Pouzet. Le caïd de Keldana a fait feu, ou ordonné de faire feu sur lui, et l’ordre a été si bien exécuté que la barque de refuge a été coulée en quelques minutes et M. Pouzet blessé à mort. Il a expiré le lendemain. Pas un gouvernement au monde n’aurait toléré un pareil attentat contre ses nationaux, et n’aurait pu le faire sans perdre immédiatement tout prestige et toute autorité ; mais le gouvernement français moins encore qu’un autre, pour les motifs que nous venons de rappeler, ne pouvait rester sous le coup de cette agression inqualifiable, terminée par un assassinat, à moins de renoncer absolument à se faire respecter par le Maghzen. Aux réclamations que nous soutenions déjà à Tanger ou à Fez, une nouvelle, beaucoup plus importante et urgente que les autres, est venue s’ajouter. Ce n’était pas une goutte d’eau qui faisait déborder le vase, mais bien une véritable avalanche. M. Delcassé a joint toutes ces réclamations, et il a réclamé une satisfaction immédiate. Comme il ne l’obtenait pas assez vite, et que le représentant du sultan à Tanger déclarait avoir besoin de prendre des ordres, il a envoyé deux navires à Mazagan et à Mogador, avec un ultimatum, qui a été porté à Marakech et qui devait être accepté sur-le-champ.

Il l’a été. Le sultan a compris qu’il était évidemment dans son tort ; qu’il ne pommait obtenir l’appui moral de qui que ce fût, encore moins l’appui matériel ; que nous étions parfaitement résolus à imposer nos exigences, si elles n’étaient pas accueillies de bonne grâce ; enfin, qu’il n’avait pas un moment à perdre pour détourner l’orage qui le menaçait. Que lui demandions-nous ? D’abord le règlement immédiat de