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qu’elles rejetteront demain et qui dans tous les cas ne leur serviront jamais.

Considérons maintenant le professeur moderne, tel que le rêvent les réformateurs : il n’est pas dans une classe mais au jardin, à la campagne, à l’usine, dans un musée. Il n’impose pas sa science à ses élèves, il attend leurs questions. Si elles ne viennent pas, il les provoque par son attitude, sa joie, sa mimique, ses exclamations. Il ne veut même point paraître désireux ni pressé d’instruire, « au lieu de dire : regardez, il regarde, il feint d’observer d’être amusé ou étonné. Sur quinze ou vingt enfans, il y en aura toujours quelqu’un qui prendra garde à l’attitude du maître et demeurera attentif par imitation. Et celui-là à son tour sera imité. » Un des protagonistes de la méthode naturelle l’a décrite ainsi : « Devant un arbre coupé, je m’arrête, je compte les couches ; si quelqu’un nie demande ce que je fais, je le dis simplement, brièvement. Je pourrais suspendre à ce clou une leçon de physiologie végétale. Je m’en abstiens, à moins que quelque enfant ne me presse par des questions successives… Au printemps devant une branche coupée : tiens, voilà déjà de la sève ! je ne vais plus loin qu’avec celui qui me dit : Qu’est-ce que la sève ? »

On voit combien le pédagogue a changé depuis les jours du bon Rollin, sinon depuis les jours, de Ponocratès ou de Montaigne, qui justement voulaient qu’on en usât ainsi, mais qui n’étaient pas imités. Aujourd’hui il se met à la remorque de ses élèves ; leur esprit guide le sien. « Je respecte la spontanéité de l’enfant, dit M. Lacombe, et voici comment : à quelque moment que l’enfant veuille apprendre, soit le dessin, soit l’écriture, soit autre chose, quelque étude qu’il veuille faire avant une autre, malgré mon plan préconçu, je défère à ses désirs, heureux qu’il ait un désir. S’il conçoit, s’il lente une autre marche que la mienne, bien loin de la contrarier, je la suis… » C’est justement ce que fait le peintre moderne. Pour cela que de qualités ne faut-il pas chez le Maître ! Il faut qu’il soit : psychologue, moraliste, acteur même. Il faut qu’il sache tout. La peine qu’on épargne à l’élève, on la donne au Maître. Et c’est pour cela sans doute que l’enseignement selon la nature n’est pas près d’être réalisé.

D’ailleurs, épargner toute peine à l’enfant, et transformer son caprice en loi suprême de son éducation, serait-ce lui rendre un aussi grand service qu’on se l’imagine ? Si l’effort n’est pas