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Parcourons les salles du Petit Palais consacrées au travail : nous verrons que ces choses sont près d’être comprises. L’éducation esthétique de l’enfant est entrée dans nos mœurs, sinon dans nos programmes. On encourage aujourd’hui ce qu’on décourageait naguère : le goût de l’histoire naturelle et le goût du dessin. Cette évolution s’est manifestée ici où l’on a imaginé d’exposer les résultats d’un concours de dessin entre enfans de cinq ou six ans. Des hommes graves sont venus étudier ces gribouillages, qui eussent valu à leurs auteurs, il y a quelque trente ou quarante ans, un repas au pain sec ou la multiplication par trois cents d’un beau vers de Virgile. Aujourd’hui où l’on doute de tout, on s’est pris à douter que le pain sec fût la meilleure manière de fortifier un cerveau fatigué, ou le pensum, d’imprimer dans l’âme l’enthousiasme pour l’Antiquité. Le docteur Maurice de Fleury a écrit, sur la nécessité de substituer le bifteck au pain sec, des pages très ingénieuses, et die toutes parts des voix se sont élevées contre l’éducation des anciens jours. Quels qu’aient été ses avantages ou ses nécessités, un immense cri de réprobation s’est élevé, de nos jours, contre ses trois principaux instruirions de torture : l’internat, l’enseignement mnémotechnique, l’examen.

De quoi rêvent en effet tous ces jeunes fronts de dix ou douze ans, que nous voyons rangés dans la salle contemporaine de cette exposition ? Quelle vision préoccupe ces yeux ? On peut répondre sans trop de chance d’erreur : ce rêve est un cauchemar, le cauchemar de l’internat qui est proche ; cette vision est un défilé redoutable : l’examen ou la série d’examens nécessaires pour parvenir aux régions tranquilles où, sous le nom de « carrière, » se poursuivra le voyage de la vie. Dans nombre de mémoires des hommes pensans de ce siècle, en effet, on retrouve cette horreur de l’internement au collège, ces douloureux souvenirs de la préparation aux examens, cette malédiction sur l’inutilité de leurs succès. Si les années de collège furent un supplice pour un grand nombre de Français au XIXe siècle et le plus souvent pour les esprits les plus délicats, les plus énergiques, les plus personnels, c’est à cause de cette longue séparation que substitua la caserne au foyer et l’esprit de la foule à l’esprit de famille. Cette séparation, nous l’apercevons dans les portraits même. Jamais il n’y eut moins de beaux portraits d’enfans que dans la période qui va de la Restauration à la fin