italien peu connu en dehors de son pays où il eut son heure de popularité, Pietro Cossa[1] : bien qu’il fût épris de la Rome antique et qu’il eût l’âme païenne, il n’a ajouté aucune retouche heureuse au portrait de Suétone, qu’il a plutôt affaibli. — Ainsi vient encore de le peindre M. Sienkiewicz, dans ce Quo vadis? que tout le monde a voulu lire. — M. Boito — comment le louer assez de cet acte d’indépendance ? — a dédaigné d’insister surtout, une fois de plus, sur le snob sanguinaire qui a séduit tant d’honnêtes poètes, sans doute parce qu’il les tirait de leurs bourgeoises habitudes, évoquait des mirages de sang devant leurs yeux paisibles et faisait étinceler, dans leurs âmes un peu ternes, la splendeur de l’horrible : car chacun se pervertit comme il peut. Il a, au contraire, cherché et dégagé dans le monstre un trait humain, qu’on trouvera d’ailleurs, à l’état d’indication assez précise, dans les chapitres 34 et 36 de la Vie de Suétone, et, plus faible, dans le IIe chapitre du quatorzième livre des Annales de Tacite. Suétone, en effet, raconte que Néron ne se délivra jamais des remords que lui laissa le meurtre de sa mère ; qu’il se plaignait d’être poursuivi par les Furies, et tâcha vainement de les apaiser ; que, vers la fin de sa vie, de sinistres apparitions le harcelaient souvent ; qu’il lui arriva de s’arrêter en déclamant, dans un morceau qui lui rappelait ses forfaits. Ce sont ces passages, qu’en les rapprochant de passages correspondans de Dion Cassius, Renan interprète en ces termes :
Ce qu’il y avait de plus horrible était de le voir, par manière de déclamation, jouer avec ses remords, en faire des matières de vers. De cet air mélodramatique qui n’appartenait qu’à lui, il se disait tourmenté par les Furies, citait des vers grecs sur les parricides[2]…
Et plus loin :
Par momens, le souvenir de ses victimes lui revenait, mais n’aboutissait qu’à des figures de rhétorique, jamais à un acte moral de repentir[3].
À l’inverse de Renan, M. Boïto admet, je ne dirai pas la sincérité, mais au moins la réalité des remords de Néron, qui deviennent le thème principal de son œuvre. — Œuvre très difficile à raconter, en raison même du mélange que j’ai signalé des élémens de la tragédie à ceux de l’opéra ; et, aussi, parce que les personnages du drame, excepté le protagoniste, ont presque tous une valeur symbolique. Nous