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même attachée. Ce serait chose trop facile, lorsqu’on a provoqué, appelé, attisé l’esprit de persécution et de haine, de reculer devant quelques-unes de ses conséquences et de les désavouer : elles ne s’en déroulent pas moins.

Si nous ne savons pas encore quelles seront toutes les conséquences matérielles de la loi, quelques-unes de ses conséquences morales apparaissent déjà dans le trouble que certaines excitations malsaines ont jeté dans les esprits. M. Waldeck-Rousseau ne s’est pas contenté, au Sénat, de se séparer de M. Delpech ; il s’est aussi distingué de M. Viviani. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait sur le moment et à la Chambre même ? Le discours de M. Viviani avait déjà fait son tour de France ; tous les journaux l’avaient reproduit ou commenté, la presse ministérielle l’avait porté aux nues, lorsque M. Waldeck-Rousseau a fait ses réserves tardives. Et que disait ce discours ? Que les congrégations et l’Église étaient liées et confondues comme le sang et la chair ; qu’on ne pouvait pas les séparer ; que le clergé séculier était imbu des mêmes principes et animé des mêmes sentimens que le clergé régulier, enfin que la guerre qui commençait par une simple escarmouche devait se tourner contre l’idée religieuse elle-même. M. le président du Conseil a déclaré à diverses reprises que son but était tout autre ; qu’il respectait l’idée religieuse ; qu’il entendait rester fidèle à la lettre du Concordat, et à son esprit interprété, il est vrai, de la manière la plus étroite ; qu’il n’en voulait même pas aux congrégations, mais seulement à ce que leur développement avait d’exagéré. Quelques-unes avaient déjà été autorisées, d’autres le seraient. Il a dit tout cela devant le Sénat ; son langage devant la Chambre avait été assez différent. Mais, quelles que soient ses intentions réelles, nous n’en sommes pas beaucoup plus rassurés. La loi qu’il vient de faire voter lui a été inspirée à lui-même, ou plutôt imposée par ses amis les plus chauds, par ses défenseurs les plus dévoués, c’est-à-dire par les hommes dont il devra se séparer au moment de l’appliquer, s’il veut l’appliquer avec modération. Le pourra-t-il ? Sera-t-il maître de modérer les coups portés ? S’il le fait, on l’accusera de trahison, comme tant d’autres : il n’arrêtera pas le mouvement qu’il aura déchaîné. L’histoire n’est pas le récit des intentions des hommes, mais des événemens qui, après en être nés, les ont déjouées. Il est à craindre que M. Waldeck-Rousseau ne s’en aperçoive bientôt. La hâte qu’il a mise à faire voter la loi le placera dans la nécessité de l’exécuter avant les élections prochaines. Les congrégations devaient d’abord avoir six mois pour se mettre en règle ; elles