Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ancienne situation dans le monde ne nous permet pas, sans un véritable attentat envers la patrie, de nous livrer à de semblables épreuves.

Enfin, l’article 14 de la loi a été l’objet au Sénat, comme il l’avait été à la Chambre, d’une discussion très vive : il interdit l’enseignement à toute personne qui appartient à une congrégation religieuse non autorisée, et punit les contrevenans d’une amende de 16 à 5 000 francs d’amende, et d’un emprisonnement de six jours à un an, sans parler de la fermeture de l’établissement qui pourra être prononcée par le jugement. Car pour tout cela il faut un jugement, ce qui offre à coup sûr plus de garanties qu’il n’y en aurait eu dans le bon plaisir administratif, puisque alors il n’y en aurait eu aucune. L’interdiction du droit d’enseigner prononcé contre une catégorie de citoyens n’en est pas moins une nouveauté intolérable : c’est une véritable déchéance et, suivant le vieux mot romain, une diminutio capitis, d’autant plus révoltante qu’elle est prononcée sans limite de durée. Celui qui en sera atteint ne s’en relèvera plus : toutefois, M. le président de la Commission a bien voulu concéder qu’on pourrait lui appliquer la loi Bérenger. On dira peut-être qu’en dissolvant une congrégation, le gouvernement ne montre pas beaucoup de confiance dans l’efficacité de la mesure prise, puisqu’il regarde comme possible qu’on continue d’en faire partie. Comment cela peut-il se faire ? Interrogée à ce sujet, la Commission a expliqué que la Congrégation dissoute en France pourrait continuer d’exister à l’étranger, où on n’a pas encore trouvé le moyen de rendre les lois françaises exécutoires : il faudrait pour cela recommencer les grandes équipées de la Révolution et de l’Empire, et les mieux terminer. Il est donc vrai qu’un congréganiste dont la congrégation aura été dispersée en France pourra toujours tenir par un lien au siège central qu’elle a ailleurs. Mais, outre que ce qui se passe à l’étranger ne nous regarde pas, on ne voit pas bien comment on fera la preuve de l’affiliation illégale, à l’encontre du congréganiste ou du prétendu congréganiste. Il est très possible que cet article reste inefficace : il est très possible aussi qu’il serve à beaucoup de tracasseries, de vexations, ou même de persécutions. En outre, il n’est pas à sa place dans une loi sur les associations. Tout le monde sait qu’une grande commission de la Chambre a fait une enquête approfondie sur la situation de l’enseignement à tous les degrés, en vue des réformes à y introduire : c’est à ce moment qu’il faudra fixer les conditions de capacité à imposer aux maîtres et déterminer les incapacités correspondantes. Mais, cette fois encore, le Sénat n’a voulu rien entendre, et a voté tel quel l’article 14. Pour tous ces motifs, M. le