coup sûr : c’est un événement, et des plus importans, qui vient de se produire en Hollande ; il aura une influence profonde sur l’histoire politique du pays. Depuis longtemps, le parti libéral était aux affaires ; il vient d’en être renversé. Il y avait accompli des réformes dont quelques-unes n’étaient pas sans valeur, et il en avait promis ou entamé quelques autres dont certaines n’étaient pas sans danger. Le pays s’en est inquiété. Un mécontentement très vif s’y est répandu, sans qu’on se soit d’abord rendu compte de son intensité. On dit maintenant, après la défaite des libéraux, que la cause principale de leur échec vient du besoin de droits protecteurs qui était vivement senti, et auquel ils n’avaient pas su donner satisfaction. Sans doute, la coalition qui s’est formée contre eux a exploité ce désir de l’opinion, mais ce serait se tromper infiniment que d’y chercher et de croire y avoir trouvé l’explication suffisante du soubresaut électoral auquel nous avons assisté.
Tout le monde convient que l’homme qui a le plus influé sur les élections néerlandaises est le docteur Kuyper. Nos lecteurs le connaissent : ils ont pu lire ici, il y a quelques mois, un remarquable et prophétique article de lui sur la résistance que les Boers devaient opposer aux Anglais. Le docteur Kuyper connaît la force redoutable des passions les plus généreuses lorsqu’elles atteignent un certain degré d’exaltation ou de ténacité : il a essayé d’en faire profiter ses idées. Protestant, mais protestant antirévolutionnaire et chef du parti qui porte ce nom, il n’a pas hésité à tendre la main aux catholiques qui étaient disposés à combattre à ses côtés, et à former avec eux une Ligue contre l’adversaire commun. On se doute, sans que nous ayons besoin d’en parler, des difficultés de tous les genres qu’il a rencontrées sur son chemin, des préventions qu’il a eu à vaincre, des préjugés qu’il a eu à dissiper ; mais sa foi, qui est celle d’un apôtre, a fini par tout emporter. À la fois théologien, homme politique et journaliste, il avait à ses ordres les moyens d’action les plus divers, et il les a tous employés en vue du but qu’il poursuivait. Son journal, le Standaard, a été le clairon qui a réveillé toutes les énergies et les a menées au combat. Toutefois, le docteur Kuyper n’aurait pas réussi, s’il ne s’était pas appuyé sur les catholiques, et ceux-ci, qui sont en minorité en Hollande, auraient eu moins de chance encore de le faire, s’ils ne s’étaient pas appuyés sur les protestans antirévolutionnaires. Le sentiment qui les a unis les uns aux autres est l’horreur de la révolution. C’était, chez eux, un sentiment mêlé de mysticisme et d’esprit politique, qui s’exprimait dans un langage dont nous avons peu