Une guerre entre les patriciens et les plébéiens, entre les riches et les pauvres ; » en exprimer tout ce qu’elle contient ; lui faire produire, jusqu’au bout, toutes ses conséquences. Ah ! les Déclarations des droits parlent d’égalité ! De quelle égalité, s’il vous plaît ? Girondins ou Jacobins, bourgeois et gens de justice, vous nous la baillez belle avec votre « égalité devant la loi ! » Il n’y a qu’une égalité, — l’égalité ; et si elle n’est pas de fait, si elle n’est pas totale, l’égalité n’est pas. « Faisons table rase pour nous en tenir à elle seule ; légalité conditionnelle devant la loi est une chimère ; s’il existe un seul homme sur terre plus riche, plus puissant que ses semblables, que ses égaux, l’équilibre est rompu ; qu’il ne soit plus d’autre différence parmi les hommes que celle de l’âge et du sexe ; la terre n’est à personne ; les fruits sont-à tout le monde ; l’Etat les distribue aux individus, auxquels il doit une existence heureuse ; en revanche il exige deux un travail obligatoire dont le mode, la quantité, la qualité sont réglés par lui seul[1]. » Et nous voici du coup loin de Barrere et de la Convention ; ce n’est plus quiconque proposerait d’établir la loi agraire, d’attenter à la sainte propriété, qui serait puni de mort ; mais quiconque parlerait de maintenir ou de rétablir « la détestable propriété, » qui serait enfermé à vie « dans le lieu des sépultures publiques. » — « Il faut dépropriétariser la France ! » s’écrie le Tribun du Peuple.
Mais Girondins, Jacobins, Montagnards, Hébertistes ou Babouvistes, partisans ou ennemis de la propriété individuelle, ceux qui frappent de mort quiconque y touche et ceux qui condamnent à la réclusion perpétuelle quiconque y aspire, tous ont ce Irait commun qu’ils sont avant tout, qu’ils sont presque exclusivement des démolisseurs, qui démolissent les uns telle forme de propriété ou telle forme de société, les autres toute propriété et
- ↑ « Il nous faut non pas seulement cette égalité transcrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; nous la voulons au milieu de nous, sous les toits de nos maisons. » Manifeste des Égaux. — Analyse de la doctrine de Babeuf, manifeste distribué en avril 1796. — Cf. Buouarroti, Conspiration pour l’égalité, dite de Babeuf ; et, du même, dans l’Encyclopédie nouvelle de Pierre Leroux, Résumé des utopies de Babeuf ; V. Advielle, Histoire de Gracchus Babeuf et du Babouvisme. Condorcet, qui, — comme le remarque M. Anton Menger, le Droit au produit intégral du travail, p. 89, — « n’a nullement été un socialiste, » ne s’exprime guère autrement. Dans les jours mêmes qui ont précédé sa mort (1794), « il déclare qu’il considère l’égalité de tous les hommes en instruction et en bien-être comme le dernier but de l’art social. » Égalité de fait, dernier but de l’art social. — Cf, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’Esprit humain.