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Beuzeval située près de l’embouchure de la Dive, à l’Est d’Honfleur, au cap de la Hève, qui fait presque partie de la banlieue du Havre. Cette ligne idéale marque en quelque sorte l’entrée de l’estuaire. Celle qui court de la pointe de Barfleur au cap d’Antifer peut être considérée comme la limite même du golfe. Au Nord, on est en pleine Manche ; au Sud, on est dans la baie, et les navires doivent alors commencer leurs manœuvres pour assurer leur entrée à Honfleur, au Havre, ou pour mouiller dans la rade.

La caractéristique de la côte normande est la falaise, muraille verticale, presque toujours à pic, et qui atteint, en certains endroits, plus de cent mètres de hauteur. La mer en ruine sans cesse le pied ; et les éboulemens qu’elle provoque, tantôt remaniés sur place, tantôt roulés par les courans depuis une longue suite de siècles, se sont réduits peu à peu en sable et ont fini par se déposer en bâtissant une sorte de gradin sous-marin contre lequel viennent rebondir les vagues des tempêtes. Au-devant de ce seuil, un nombre considérable de roches et d’écueils, que les flots n’ont pas encore complètement démolis, prolongent sous l’eau, souvent à une grande distance, la terre ferme à laquelle ils ont appartenu à une époque relativement récente.

La côte est battue directement par tous les vents du Nord et de l’Est. Presque rectiligne depuis la baie du Cotentin jusqu’à l’embouchure de la Seine, elle ne présente aucune de ces découpures hospitalières, aucun de ces fiords tranquilles qui pourraient servir d’abris temporaires aux navires assaillis par une tourmente soudaine. La plupart des ports qui la jalonnent ne permettent d’ailleurs l’entrée que des bateaux d’un tonnage moyen. Les gros steamers, les cargo-boats, les transatlantiques doivent le plus souvent rester au large ; et ce n’est qu’au fond du golfe qu’ils trouvent un mouillage assuré, où ils doivent attendre l’ouverture des bassins du Havre à l’heure favorable de la marée.

Ces conditions désavantageuses sont heureusement compensées par la durée de la pleine mer, beaucoup plus grande dans ces parages que sur tout autre point de nos côtes. Cette particularité remarquable, qui a contribué pour une large part au magnifique développement du port du Havre, est due à la succession ininterrompue de deux flots de marée dans le fond même de la baie. Nous avons parlé plus haut de l’énorme amplitude que la superposition de deux ondes dans les eaux de Saint-Malo