Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/565

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Seulles, derrière le long banc de rochers noyé, qui longe la côte occidentale de la rade de Caen et qu’on appelle les Essarts de Langrune. De vastes marais y communiquaient entre eux par une série de petits canaux, et s’étendaient alors à plus de 12 kilomètres dans l’intérieur. Partout aujourd’hui la mer a envahi la terre. Port, marais et canaux, tout a été emporté. La rivière de la Seulles a été raccourcie dans sa partie inférieure de près de 3 kilomètres, et, de l’ancien port du XVIIe siècle, il ne reste plus que quelques flaques d’eau qui miroitent au milieu des terres émergées pendant les basses marées.

La petite colline qui domine Port-en-Bessin porte le nom de « Butte du Castel ; » et on y a trouvé les ruines d’un castellum romain qui paraît avoir fait partie d’un groupe de fortifications assez étendues dont il était probablement la vigie ou le poste d’observation destiné à protéger les galères au mouillage.

C’est à « Port, » comme le désignent les anciennes chroniques que débarqua, à la fin du IXe siècle, la flotte des Barbares du Nord qui s’emparèrent de Bayeux et dévastèrent tout le Bessin ; c’est à ce même « Port » qu’abordèrent, quelques années après, les barques normandes du célèbre Rollon ; c’est là encore qu’Odon, évêque de Bayeux et frère de Guillaume de Normandie, fit construire une quarantaine de vaisseaux destinés à la conquête de l’Angleterre[1]. Dans les champs alluvionnés qui s’étendent au Sud de Saint-Aubin, l’occupation romaine se manifeste aussi par des fragmens de briques, des débris de murs, de nombreuses substructions, des médailles, des poteries ; et il est évident qu’il y avait quelque part par là une station navale, dans les premiers siècles de notre ère ; mais il est assez difficile d’en retrouver l’emplacement exact et d’en préciser l’importance, les géographes, les historiens et les itinéraires classiques ne nous en ayant même pas laissé le nom. La côte calcaire a été presque partout rongée par le flot ; les anciennes dentelures ont été émoussées. Les petites baies se sont comblées, et le rivage a fini par prendre un certain état d’équilibre qui a permis d’y établir, presque à la limite du flot, une ligne presque continue de délicieuses stations balnéaires.

Assez bien situé dans une anfractuosité naturelle entre deux

  1. Bouniceau, Étude historique sur le port de Port-en-Bessin, 1843.