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Cabourg, à l’embouchure de la Dives, n’était, il y a quelques années, qu’une bien modeste agglomération de masures de pêcheurs. La spéculation et la mode l’ont transformé du jour au lendemain. Le vieux Cabourg aligne encore le long de la rivière de la Dives quelques cabanes assez pauvres de marins et d’indigènes paisibles ; mais à côté, et sur un développement de plus de 2 kilomètres, la nouvelle ville étale fièrement et joyeusement l’éventail de ses vingt-quatre avenues plantées d’arbres, bordées de villas somptueuses et de magnifiques jardins.

De l’autre côté de la Dives, l’ancienne ville qui porte le même nom reste un peu en dehors du mouvement moderne comme un souvenir du passé. Ses larges rues bien tracées, ses places vides, les dimensions de sa vieille église, l’architecture et les ornemens de quelques-unes de ses maisons, tout rappelle de grands jours disparus. Dives en effet a été et est encore aujourd’hui un très bon mouillage, et tout porte à croire, bien qu’on n’en trouve aucune mention dans les géographies classiques, qu’il a dû être connu et fréquenté de tout temps. Mais le souvenir véritablement historique le plus ancien date seulement du milieu du Xe siècle. Le roi de Danemark y aurait alors mouillé, d’après d’anciennes chroniques, avec une flotte nombreuse.

Tout le monde sait que ce fut dans le port de Dives que Guillaume le Conquérant rassembla, en 1066, tous les vaisseaux qui devaient l’accompagner dans son expédition en Angleterre, et qu’il y embarqua l’armée qui devait, quelques semaines plus tard, remporter la fameuse bataille d’Hastings. On a quelquefois estimé à plus de deux cents le nombre de ses navires, à 60 000 celui des combattans effectifs de son armée, à 200 000 celui des valets et pourvoyeurs à la suite. Quoiqu’un peu arbitraires, ces chiffres peuvent donner une idée de l’importance que devait avoir au moyen âge le port de Dives, aujourd’hui presque oublié. Les navires de l’époque accostaient certainement à peu près au même point de la rivière que les barques d’aujourd’hui. L’entrée du port s’est toujours maintenue presque sans travaux spéciaux. Le chenal est direct, bien orienté, assez fixe ; et, contrairement à ce qui a lieu à l’embouchure de l’Orne, les bancs de sable qui se déposent sur la pointe de Cabourg ont protégé l’embouchure sans la combler. La profondeur dépasse 3m, 50 aux plus faibles mortes-eaux et atteint près de 6 mètres à la haute mer. C’est plus qu’il n’en faut pour assurer le