existante, et non le droit de tout homme à être propriétaire, que les Déclarations avaient entendu dire ; et l’article 2 devenait un peu comique, affirmant ainsi que liberté, égalité et sûreté étaient droits de tous et propriété droit de quelques-uns, et qu’on avait droit à la liberté, à l’égalité et à la sûreté en tant qu’homme, mais qu’on n’avait droit à la propriété que si l’on était propriétaire.
C’est pourtant ainsi que l’entendaient les chefs de la Révolution, quand ils décrétaient la peine de mort contre quiconque proposerait la loi agraire. C’est ainsi que l’entendait Robespierre, même en ses momens de demi-socialisme, quand il déclarait que « l’égalité des biens est une chimère » et que « la propriété est le droit qu’à chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi. » Il dit : « de jouir et de disposer, » ce qui suppose une propriété déjà acquise. C’est la proclamation du droit du propriétaire, ce n’est pas la proclamation du droit à être propriétaire. Un vrai socialiste dirait : « La propriété est le droit qu’à chaque citoyen de posséder. »
Quoi qu’il en soit, ce duel entre la propriété et l’égalité a duré, sans grand éclat ni grande violence, pendant toute la Révolution, jusqu’à ce que Babeuf, avec sa redoutable précision, lui ait donné sa forme définitive. Lui, le premier, je crois, s’est avisé que le socialisme révolutionnaire était enfantin ; que le partagisme n’avait pas le sens commun, parce que le partage n’était pas une solution ; que, le lendemain du partage, l’inaliénable, imprescriptible et intangible égalité serait détruite par l’inégalité entre ceux qui sauraient conserver leur part, ceux qui sauraient l’agrandir et ceux qui sauraient la perdre ; que c’est donc la propriété elle-même qu’il faut non partager, mais abolir ; et que le seul moyen pour qu’il y ait égalité entre les propriétaires est que la propriété ne soit point.
Et alors apparaît l’idée collectiviste, qui est l’idée obscure, mais essentielle, latente, mais fondamentale, de la Révolution française ; qui est l’idée dans laquelle la Révolution prend conscience d’elle-même, et prend connaissance, avec surprise, avec inquiétude, avec effroi et avec espérance, de tout ce qu’elle contenait : « Quoi ! Jetais communiste ! » et, si elle est logique : « Nécessairement ; » et si elle est effrayée de la grandeur de sa tâche : « Jamais ! » et si elle est clairvoyante : « Je le suis ou je ne suis pas grand’chose. »
C’était (confusément) l’idée de Marat : « Qu’aurons-nous