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dans leur longueur, à la façon d’un éventail qui se ferme. C’est là un caractère commun à l’ordre tout entier des orthoptères. En tant qu’insectes sauteurs, chez les criquets comme chez les sauterelles, la paire de pattes de derrière (troisième paire) atteint un développement considérable. Elle forme une espèce de long ressort coudé qui, en se détendant brusquement, soulève le corps de l’animal à une assez grande hauteur, avant qu’il ait perdu son point d’appui sur le sol ; c’est là un moyen d’augmenter la durée et par suite la puissance de l’effort balistique. Un ingénieux naturaliste, M. Plateau, a constaté que le corps du criquet (ou tout au moins son centre de gravité) décrivait ainsi, dans l’acte du saut, une parabole dont le point culminant est à environ 32 centimètres de terre, et dont l’ouverture, c’est-à-dire l’espace compris entre le point d’essor et le point de chute, est d’environ 60 centimètres. Telle est, chez l’insecte adulte, la portée du saut.

En dépit de ces ressemblances fondamentales, les caractères qui différencient les acridiens des sauterelles véritables ne laissent pas, cependant, d’être très évidens pour un observateur qui, sans être un entomologiste breveté, serait simplement attentif.

Le premier est tiré de l’inspection des antennes. La sauterelle a des antennes longues comme le corps, flexibles comme un fil ; le criquet a des antennes courtes et rigides. L’antenne est, comme l’on sait, l’organe de l’odorat ; ce sens n’est donc pas également développé chez les uns et les autres. Une seconde différence anatomique devient très manifeste au moment de la ponte des œufs. La femelle de la sauterelle montre alors à l’extrémité du corps une sorte de longue et large gaine semblable à un fourreau de sabre, coudée à angle droit sur l’abdomen : c’est l’oviscapte qui saillit à ce moment, s’enfonce dans le sol et sert à y couler les œufs. La femelle du criquet est moins bien pourvue à cet égard : l’appareil se réduit, chez elle, à quelques pièces dentées et cornées, peu développées d’ailleurs, dont est armé le dernier anneau du corps. Au moment de la ponte, c’est l’abdomen lui-même que le criquet enfonce dans la terre : on les voit alors engagés jusqu’à la ceinture dans les trous qu’ils ont forés.

Les deux familles ont également des aptitudes musicales. Mais les mâles seuls sont des exécutans : les femelles forment l’auditoire charmé par les sérénades viriles. Cette musique, agréable à leurs oreilles, est fâcheuse aux nôtres. Elle est formée de sons criards, aigus, assourdissans comme ceux d’une lime qui mord un corps dur. On a essayé de noter ces stridulations, et un patient observateur, Yersin, y est arrivé. Ces chants diffèrent pour les deux catégories d’animaux ;