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qu’elle voyait la hôte ; de sorte que l’on chantait de nouveau pour l’endormir, et la nuit se passa ainsi… Je n’avais point de linge à changer, et l’on blanchissait ma chemise de nuit pendant le jour, et ma chemise de jour pendant la nuit ; je n’avais point mes femmes pour me coiffer et habiller, ce qui est très incommode ; je mangeais avec Monsieur, qui fait très mauvaise chère… Je demeurai ainsi dix jours…, au bout desquels mon équipage arriva, et je fus fort aise d’avoir toutes mes commodités. »

Le roi était moins avancé ; il attendait toujours ses bagages, que le peuple empêchait toujours de partir. Les portes de Paris étaient gardées ; on ne passait qu’avec des passeports, si difficiles à obtenir pour les personnes de qualité, que plusieurs grandes dames se sauvèrent déguisées, qui en paysanne, qui autrement, la marquise d’Huxelles en soldat, à cheval et « un pot de fer en tête[1]. » La seule Mademoiselle n’était jamais refusée, quelque chose qu’elle fît demander ; ses chariots circulaient librement, rapportant à Saint-Germain les malles de ses amis avec les siennes : — « Le roi et la reine manquaient de tout, et moi, j’avais tout ce qu’il me plaisait et ne manquais de rien. Pour tout ce que j’envoyais quérir à Paris, l’on donnait des passeports ; on l’escortait ; rien n’était égal aux civilités que l’on me faisait. » La reine en fut réduite à prier sa nièce de lui faire rapporter en contrebande quelques hardes. Mademoiselle s’y prêta avec joie. — « L’on en a assez, dit-elle, d’être en état de rendre service à de telles gens, et de voir que l’on est en quelque considération. » Une popularité aussi éclatante la désignait clairement, dans son esprit, pour partager le trône de son jeune cousin.

Paris n’avait appris qu’à son réveil, le 6 janvier, sa brouille avec la royauté. Le premier sentiment fut la consternation. Le Parlement, trouvant que les choses allaient trop loin, s’empressa de faire des ouvertures de paix à la régente. Repoussé rudement, il prit son parti, rendit un arrêt d’expulsion contre Mazarin, et se mit en devoir de lever de l’argent et des hommes. Le conseil de l’Hôtel de Ville, représentant du commerce parisien, envoya une députation se jeter aux pieds du roi, à qui un échevin dépeignit à deux genoux l’abomination d’une guerre contre Paris. Les larmes étouffèrent tout à coup ce pauvre homme

  1. Journal des Guerres civiles, de Dubuisson-Aubenay.