première entrevue avec M. le Prince. Elle lui avait fait porter le rameau d’olivier dans sa prison et ignorait comment il l’avait reçu. Elle fut l’attendre au Luxembourg : « MM. les Princes vinrent dans la chambre de Madame, où j’étais, où, après l’avoir saluée, ils vinrent à moi et me firent mille complimens ; et M. le Prince me témoigna en particulier avoir été bien aise, lorsque Guitaut l’avait assuré du repentir que j’avais d’avoir en tant d’aversion pour lui. Les complimens finis, nous nous avouâmes l’aversion que nous avions eue l’un pour l’autre : il me confessa avoir été ravi, lorsque j’avais eu la petite vérole, avoir souhaité avec passion que j’en fusse marquée, et qu’il m’en restât quelque difformité, et qu’enfin rien ne se pouvait ajouter à la haine qu’il avait pour moi. Je lui avouai n’avoir jamais eu joie pareille à celle de sa prison ; que j’avais fort souhaité que cela arrivât, et que je ne pouvais songer à lui que pour lui souhaiter du mal. Cet éclaircissement dura assez longtemps, réjouit fort la compagnie, et finit par beaucoup d’assurances d’amitié de part et d’autre. » Pendant cet entretien, on entendait au dehors le vacarme d’une grande fête populaire. Les Parisiens s’étaient pris pour Condé de l’un de ces engouemens dont ils sont coutumiers.
Au Palais-Royal, le peuple gardait les portes pour empêcher la régente d’enlever son fils une troisième fois et d’aller rejoindre Mazarin. Les Frondeurs étaient les maîtres de Paris. C’était le moment de montrer qu’ils n’avaient pas fait courir de pareilles aventures à la France sans avoir l’excuse d’un plan de réformes, d’un système quelconque, jugé par eux, à tort ou à raison, meilleur que l’ancien. Si quelques-uns eurent cette pensée, il faut avouer que l’on ne s’en aperçut pas. La notion de l’intérêt général se perdait dans notre pays, un peu comme aujourd’hui ; on n’y connaissait, de plus en plus, que l’intérêt des gens en place ou ayant de grandes situations, et c’étaient leurs rivalités, leurs alliances, leurs efforts pour se supplanter, leurs luttes pour le pouvoir ou la fortune, qui devenaient les événemens publics de la France. Le Parlement voulait garder le monopole des réformes, et il se brouilla avec la noblesse dès qu’elle fit mine de les approuver. La noblesse, jalouse de la robe, s’adressait imprudemment aux passions populaires. Retz ne pensait qu’à être cardinal, Condé qu’à devenir le premier dans l’Etat, Gaston qu’à tirer son épingle de tous les jeux, Mme de Longueville qu’à avoir d’autres