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plus succinctes, — outrepasserait de beaucoup les limites qui me sont imposées. Aussi me bornerai-je, dans le présent essai, à l’étude de deux points seulement, dont le second surtout mérite une attention spéciale : à savoir le mécanisme de la sensation douloureuse et le rôle qu’elle assume vis-à-vis des êtres vivans.


I

Si la netteté d’un concept entraînait toujours bien réellement la clarté de l’expression, définir la douleur serait assurément chose facile, Rien n’est plus malaisé pourtant, puisque aujourd’hui encore on en est à chercher pour elle une formule à la fois exacte et concise.

Dire, à l’exemple de l’ancien ne scolastique, que la souffrance est l’opposé du plaisir, c’est vouloir expliquer l’inconnu par l’inconnu. On ne fixe pas le sens de la vie en représentant celle-ci comme le contraire de la mort.

La science a-t-elle été plus sagement inspirée en considérant comme l’attribut essentiel de la douleur les réactions immédiates qu’elle provoque ? Admettra-t-on, par exemple, l’interprétation de Gaubius et de Boerhave, qui voient dans le mal physique une perception que l’âme aimerait mieux ne pas éprouver ? Non, sans doute : cela dit trop ou trop peu.

Trop, car on connaît une foule de perceptions incommodes qui, en fait, n’ont rien de commun avec la vraie douleur : telle l’émotion causée par l’explosion inattendue d’une arme à feu, par la fulgurance aveuglante d’un éclair ; tel le goût détestable que laisse au palais l’amertume intense de certaines substances médicamenteuses ; telle encore rôdeur nauséabonde qu’exhalent les matières putrides. Trop peu, par cette raison que la douleur n’est pas une simple gêne : la bénignité et l’imprécision d’un pur malaise ne sauraient se comparer à l’acuité si vive, si absorbante d’une sensation franchement douloureuse.

Que penser enfin d’une définition de la douleur qui placerait son signe critérial dans le désir que l’on a de ne plus réprouver de nouveau ? Remarquons tout d’abord qu’elle constituerait un corollaire direct, sinon une métaphrase de l’aphorisme de Boerhave. Quoi de plus naturel qu’après avoir traversé quelque épreuve pénible, assez pénible pour nous laisser un très désagréable souvenir, quoi de plus naturel, dis-je, que d’en