voisinage de la côte, cette teinte grise, un peu laiteuse, si différente de la magnifique couleur verte de la mer de Bretagne et de l’admirable azur des mers méridionales, et en particulier de la Méditerranée. Quant aux cailloux, roulés et frottés sans cesse sur l’estran par les vagues, ils s’amoindrissent, s’émoussent, s’arrondissent et se réduisent d’abord en petits galets ronds, puis en sable. Le flot les pousse à la terre ; le jusant les ramène au large. Mais la prédominance du flot sur le jusant et l’action à peu près continue des courans littoraux les fait cheminer lentement tout le long de la côte. Une très faible partie descend du cap d’Antifer vers le Havre, qui n’en est distant que d’une quinzaine de kilomètres. La plus considérable remonte la falaise jusqu’à la baie de Somme ; et l’éternelle traînée de galets, de plus en plus petits à mesure qu’ils s’éloignent de leur point de départ, finit par se déposer en longues digues parallèles qui barrent les vallées et dont le bourrelet, à chaque instant rechargé par des apports nouveaux, prend naturellement la forme et le profil qui représentent le maximum de résistance ; c’est celui d’un talus régulier de 6 ou 7 de base pour 1 de hauteur. Ce talus est devenu une véritable muraille, dont la crête a fini par dépasser quelquefois le niveau des plus hautes marées. Le sable projeté par les vagues s’infiltre à travers tous les vides, accroissant la résistance de la digue, qui devient une sorte de brise-lames, marquant la limite entre le domaine de la mer et celui de la terre, et derrière lequel les eaux continentales viennent s’arrêter et déposer leurs troubles. A l’abri de cette barrière, la plaine d’alluvions s’exhausse peu à peu. L’industrie et l’agriculture, et aussi la spéculation, ont pu en prendre possession et la transformer assez rapidement en champs de culture ou en terrains à bâtir.
Cette corrosion de la falaise rocheuse, qui se détache peu à peu et s’éboule dans la mer, est fatale. Partout, sur toute sa hauteur et sur une épaisseur profonde, le mur vertical est ébranlé ; les eaux de filtration qui pénètrent dans le massif agissent comme de véritables coins qui tendent à le renverser ; les actions atmosphériques le désagrègent lentement ; les vagues en minent le pied ; les gelées le disloquent ; et on peut dire en toute vérité que, depuis le jour où le plateau crayeux de la Normandie a