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LA
LOI DES COALITIONS
(1864)


I


En juin 1863, à la suite des élections, Morny me pria de passer chez lui. Il me dit : « J’ai fait renvoyer Persigny et Walevski ; maintenant cela va mieux marcher. L’Empereur voulait me mettre au ministère d’État et Baroche à la présidence ; j’ai objecté que Baroche exaspérerait l’opposition par la manière dont il présiderait et que je voulais me réserver comme un autre relais. » Puis, à brûle-pourpoint : « Consentiriez-vous à entrer avec moi dans une entente avec la démocratie pour organiser la liberté ? — Oh ! je vous aiderai de toute mon âme, mais je voudrais que ce fût comme député et non comme ministre. — C’est que, si vous ne consentez pas à faire partie de la combinaison, j’y renoncerai. » Et, pour me prouver qu’il méritait ma confiance, et qu’il ne lançait pas un hameçon trompeur à une bouche crédule trop prête à le happer, il sonna son secrétaire Lépine, lui demanda la copie de la note qu’il venait d’envoyer à l’Empereur et m’en donna lecture. Cette note était remarquable par sa netteté ferme et hardie. Elle attribuait aux maladresses de Persigny le succès de Thiers. Puis elle disait : « Les élections n’ont laissé en présence que deux forces : l’Empereur et la démocratie ; les forces de la démocratie grandiront sans cesse, il est urgent de la satisfaire, si on ne veut être emporté par elle. Lui opposera-t-on