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voûte, par une belle matinée. On débouche sous un portique qui forme le fond d’une cour de moyenne grandeur, délicieuse de vétusté et d’abandon. A droite, un grand mur, tapissé à sa base d’écussons héraldiques. L’horizon, en face, n’a pas de limites. Sur le ciel se détache une fontaine d’une incomparable légèreté. A n’en pas douter, dans ses eaux murmurantes, se cache la divinité tutélaire de Viterbe. Là règnent imperturbablement la paix et le silence, à deux pas de la place où, en l’an de grâce 1281, nobles et vilains se livrèrent un des plus furieux combats dont les annales des municipes italiens aient gardé la mémoire. Que dire des anciens appartemens du podestat, à l’étage supérieur ? J’ai vainement cherché la salle d’Hercule, où se tenaient les assemblées. Dans les pièces aménagées pour l’administration actuelle, on ne retrouve que le souvenir des timides conseillers qui, naguère encore, régissaient la ville, sous l’œil vigilant et jaloux des légats. En bas, on a installé le musée civique, musée de province, et d’une province qui n’a créé aucune grande école d’art. Dans le local qui lui est affecté, c’est un pêle-mêle d’objets disparates, au milieu desquels on est heureux de découvrir une Pieta dont il faut, selon Vasari, attribuer l’invention à Michel-Ange et l’exécution à Sebastiano del Piombo. Singulière collaboration, née du désir de disputer à Raphaël la prééminence parmi les peintres, qui a engendré un chef-d’œuvre, autant que les dégradations permettent d’en juger.

Construit à la même époque, sur l’emplacement de l’ancienne forteresse, le palais épiscopal est né d’une pensée politique. Viterbe était trop voisine de Rome pour ne pas sentir le contrecoup des agitations dont l’ancienne capitale du monde ne cessait d’être le théâtre. Plusieurs papes, à cette époque tumultueuse, avaient paru ou séjourné à Viterbe. L’empereur Henri V y avait amené prisonnier Pascal III. Adrien V, un pape anglais et même le seul pape anglais, s’y était réfugié pour échapper aux embûches de Frédéric-Barberousse ; Innocent III y avait tenu un concile contre les hérétiques. Entre temps, Viterbe avait donné asile à un antipape. Plus tard, en mai 1257, Alexandre IV, chassé du palais de Latran par les gibelins de Rome, s’était transporté à Viterbe, avec sa cour et le gouvernement pontifical. Un vrai coup de fortune pour la ville, car, si la papauté avait alors des pieds d’argile, c’était, malgré tout, un colosse qui tenait le monde entier embrassé dans son étreinte spirituelle et qui