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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/220

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ses longues métaphores tirées de la zoologie, avec ses accumulations de petits faits révoltans, il a ravivé cette sensation de cauchemar et de perturbation apocalyptique.

Amplement informés comme nous le sommes aujourd’hui, il en faut rabattre de cet excès de généralisation. Les historiens, les romanciers, les dramaturges, — et quel historien ne devient pas un peu dramaturge, quand il touche à la Révolution ? — nous font connaître la vie du passé comme la presse fait connaître aux étrangers la vie du temps présent. Le journal ne les entretient que de nos gens en vue et des accidens où la curiosité s’attache. Quand l’étranger vient y regarder de plus près, il s’étonne de découvrir un vaste monde, qui est tout le monde, dont ses informateurs habituels ne lui ont jamais soufflé mot. Ainsi de nous, lorsque le hasard nous apporte les témoignages de ceux qui n’avaient rien à dire, ou presque rien, pendant la Révolution ; de ceux qui « ont vécu, » comme Sieyès, mais de leur vie accoutumée ; de ceux-là mêmes qui ont péri dans la tempête sans l’avoir vue venir, avec la stupeur de gens surpris par une catastrophe dont ils ne se rendent pas compte.

Tel fut le cas de Mme de Marolles et de son entourage M. Victor de Marolles a réuni quelques lettres de son aïeule, quelques papiers de famille. Contribution modique à l’histoire révolutionnaire : il n’y faut chercher que des aperçus sur l’état des esprits pendant cette période. On peut dire des Lettres d’une mère ce que Sainte-Beuve disait des lettres de Mlle Aïssé : « Je ne les conseillerais pas aux fastueux qui ne se dressent que pour de grandes choses. » Ces bribes de documens appellent la collaboration du lecteur ; elles lui fournissent les têtes de chapitres d’un livre qu’il doit faire en les lisant ; indices embryonnaires, mais assez certains pour qu’on puisse reconstituer avec leur secours un petit coin de notre vie provinciale, quelques types significatifs, une psychologie des comparses obscurs du grand drame.

Rappelez-vous un de ces tableautins de Boilly, — intérieurs de famille, assemblées sur la place publique, — où des gens de condition moyenne vaquent tranquillement à leurs occupations. Supposez que les lambeaux de cette toile, lacérés à coups de piques et tachés de sang, aient été ramassés dans le greffe du tribunal révolutionnaire. C’est tout le livre de M. de Marolles. Un dossier du terrible tribunal, conservé aux Archives nationales,