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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août.


La nouvelle, qui s’est, un soir, si rapidement répandue, que l’empereur de Russie allait venir en France, a produit dans tout le pays une vive impression. Nous ne dirons pas, avec le général André, que cette visite était « inattendue, » mais le gouvernement n’en avait rien laissé pressentir ; les pourparlers échangés pour la préparer avaient été tenus secrets ; les préoccupations des esprits étaient ailleurs ; de sorte qu’il y a eu surprise, sinon dans le fait lui-même, au moins dans la manière dont il a été annoncé. L’effet n’en a été que plus profond. À vrai dire, ces mois de vacances s’écoulaient dans la monotonie ; il y avait dans l’air quelque chose d’un peu gris et d’un peu terne. Après les agitations stériles de la session parlementaire, on éprouvait à la fois de la lassitude et quelque ennui. Tout à coup on a appris que l’empereur Nicolas était sur le point de redevenir notre hôte, et les imaginations qui s’engourdissaient ont été aussitôt réveillées. Nous allions donc avoir un grand spectacle, et le pays, que tant de choses divisent, pourrait enfin et comme par enchantement se trouver uni dans un même sentiment de satisfaction : circonstance trop rare pour n’être pas appréciée à sa valeur.

L’alliance russe n’a rien perdu chez nous de sa popularité première. Nous continuons d’y attacher beaucoup d’espérances. Il suffit d’en parler pour qu’à peu d’exceptions près l’harmonie se rétablisse parmi nous. Aussi la joie a-t-elle été générale, lorsqu’on a su que l’empereur allié et ami visiterait la France pour la seconde fois. Il est permis de dire aujourd’hui que, l’année dernière, son absence au moment de notre Exposition universelle nous avait causé quelque déception. Elle s’explique sans doute par des raisons fort bonnes, mais auxquelles le cœur des foules est difficilement accessible ; et puis, à