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2 kilomètres, et sur ce front il y a s’divisions engagées : soit 65 bataillons, 26 hommes par mètre courant !

Tous ces efforts sont vains, personne ne peut dépasser Saint-Hubert : les troupes, confondues, bordent les pentes Est du ravin de la Mance dans un inextricable désordre.

A neuf heures du soir, le combat cesse, l’attaque a totalement échoué. Dans le ravin entre les bois des Génivaux et le bois de Vaux, c’est-à-dire dans un espace de neuf cents mètres de front sur six cents de large, il y a 20 000 hommes de tous les corps, complètement mêlés, inertes, incapables d’un effort quelconque. Ce ne fut que le lendemain qu’un peu d’ordre put être remis dans cette cohue.

Les attaques des VIIe, VIIIe et IIe corps, les attaques de la garde prouvent donc que, quelle que soit la bravoure des troupes et l’héroïsme des officiers, on ne peut forcer une position à coups d’hommes.

Au-delà des forces nécessaires pour chacune des actions successives que comporte une attaque, le nombre jeté en bloc ne sert qu’à augmenter le désordre et les pertes. Loin d’être une force, il devient une cause de désastre, car souvent il engendre les paniques.

En voici d’autres exemples :

Dans la guerre turco-russe (1877-1878) les mêmes procédés d’attaques soi-disant décisives, menées en bloc, produisent les mêmes conséquences.

1° A la première attaque de Plevna, les Russes lancent ensemble 9 bataillons.. Ils sont écrasés avec une perte de 2 845 hommes, sur 7 000 engagés.

2° La deuxième est menée avec 35 000 hommes et 170 pièces, partagés en deux attaques : 18 bataillons d’un côté, 12 bataillons de l’autre, 6 bataillons en réserve générale.

Ces attaques sont préparées par l’artillerie à une distance de 2 500 mètres en moyenne. La canonnade de préparation dure de neuf heures du matin à deux heures et demie du soir. Alors trois brigades (12 à 15 000 hommes) sont lancées en masse droit sur l’ennemi et doivent marcher sans arrêt. Elles perdent 7 335 hommes. Leurs débris se mettent dans une complète déroute. Les bataillons engagés ont laissé le tiers, et quelques-uns la moitié de leur effectif sur le terrain.

On pourrait croire qu’après ces dures leçons, les attaques en