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exiger plus de travaux pour sa mise en valeur que le Tell algérien. L’assainissement et la transformation du Tell ont été un labeur autrement héroïque que celui d’Hercule qui nettoya et assainit les écuries d’Augias.


II. — L’ŒUVRE DES COLONS

Les colons vinrent tout naturellement s’installer tout d’abord dans la banlieue immédiate d’Alger, première ville occupée par nos troupes. Les premiers dont l’histoire ait conservé le souvenir furent M. de Vialar qui se fixa en 1832 à Kouba, M. de Tonnac à Tixeraïn, le prince de Mir à la Rassauta, M. de Franclieu à Belbarabet, M. Tobler à El-Biar, M. Ventre à Hussein-dey. De quelle ingéniosité, de quelle souplesse d’esprit ont dû faire preuve ces colons pour se faire tolérer d’abord, accepter ensuite comme maîtres par une population ignorante et disposée à ne voir en eux que des intrus qui venaient les spolier de leurs terres ! Un exemple entre tous montrera la manière de procéder de ces premiers défricheurs du sol.

M. de Tonnac avait acheté d’un propriétaire résidant à Alger un vaste domaine. L’escorte qu’il avait demandée pour aller prendre possession de sa nouvelle acquisition lui ayant été refusée par le gouverneur, qui traita son projet d’aller s’établir seul au milieu des Arabes de folie insigne, il part seul avec un cuisinier arabe porteur de diverses provisions. Arrivé dans son domaine, il s’installe au pied d’un arbre et fait faire le café. Les Arabes qui travaillaient aux champs, intrigués par la présence d’un étranger, arrivent un à un, puis, plus nombreux, font cercle autour de lui. M. de Tonnac les invite à prendre le café, distribue des gâteaux aux enfans et, quand leur méfiance est endormie, il leur dit qu’il est venu de France pour vivre au milieu d’eux qu’il sait gens sérieux et fidèles croyans ; qu’il a acheté le haouch et qu’il entend ne rien changer aux usages et aux redevances en se substituant à l’ancien propriétaire. Il ajoute qu’il s’associera, en complétant leurs attelages, à ceux qui n’ont qu’un nombre insuffisant de bœufs pour la culture de leurs terrains ; qu’à ceux qui n’ont qu’un bœuf, il fournira l’autre, qu’il avancera la moitié de la semence et partagera la récolte. « Puisque je viens me fixer au milieu de vous, continue-t-il, il faut que je songe à construire ma maison ; mais tout d’abord souffrez que je vous adresse un