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LA
CARICATURE EN ANGLETERRE

II.[1]
LA SOCIÉTÉ SOUS GEORGES III


I

On connaît maintenant Rowlandson et Gillray : c’est à eux de nous faire connaître la société au milieu de laquelle ils ont vécu.

Cette société possédait un chef nominal qui avait la prétention d’être un chef effectif, c’est-à-dire de donner des ordres et des exemples, d’être obéi et imité. Y réussit-il ? Pouvait-il y réussir ? La caricature nous l’apprendra, car jamais prince n’a été, au même degré que George III, justiciable de la caricature. Ou, mieux, il était lui-même une vivante caricature. De gros yeux sérieux, étonnés, interrogateurs ; l’air pompeux et bonhomme d’un magister d’autrefois. Ses bras et ses jambes allaient à l’aventure ; les différentes parties de son corps, au lieu de se concerter pour l’action commune, semblaient ne pas se connaître. Il marchait, à la manière des clowns, le torse projeté en avant, serrant les genoux et écartant les pieds. S’il se penchait pour ramasser un gant, dans cet effort, il laissait tomber sa canne et, en voulant ressaisir sa canne, perdait son chapeau. Pas un mouvement qui ne trahît son incurable gaucherie. Sa parole était, comme sa marche, inégale, confuse, à la fois lente et précipitée ;

  1. Voyez la Revue du 15 août.