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Brighthermstone ! Si on disait, tout simplement, Brighton ? Une ville d’élégance et de plaisir s’improvise donc, qui portera ce nom. On y construira ce fameux Pavillon, qui sera aussi une des merveilles du temps.

La vie de Bath est toute différente. Le New guide to Bath, publié en 1798, nous montre la ville d’eaux dans toute sa gloire. Les dessins de Rowlandson sont escortés de petits vers dus à la plume de Christopher Anstey. Ces vers sont peu poétiques, mais ils sont lestes et malins. Grâce à eux, nous pouvons suivre la journée du baigneur depuis le lever matinal jusqu’au coucher tardif ; la course vers la Pump-room où l’on se rencontre dans d’étranges toilettes ; les révérences, les menus propos, le flirt alternant avec la médisance ; les parties de campagne, la comédie, la danse, le souper. Puis, à travers l’obscurité, le vent et la pluie, — les hommes attachant leurs chapeaux avec un mouchoir noué sous le menton, les femmes retroussant leurs jupes par-dessus leurs têtes, — tout ce beau monde s’enfuit et disparaît. Chemin faisant, on nous présente les célébrités du lieu, depuis l’homme d’esprit dont les mots font, en un instant, le tour de la Pump-room et le « beau » dont on copie le costume et les allures jusqu’au cuisinier de génie, Master Gill, dont deux mille estomacs reconnaissais chantent tous les soirs les louanges.

Mais Bath appartenait au siècle qui allait finir : c’était une institution d’ancien régime toute en souvenirs qui se changeront bientôt en regrets. Si vous voulez voir l’Angleterre nouvelle de 1800, vous la trouverez plutôt dans les sables de Margate, où, jour et nuit, la fête brutale de tous les sens est en permanence ; sur les routes où des millionnaires s’amusent à conduire des diligences ; dans les tea-gardens, où des hommes et des femmes en cheveux gris jouent à des jeux d’enfans ; à ces rendez-vous de chasse (meets) où vous rencontrerez, bottés et éperonnés à quatre heures du matin, ces mondains languissans qui pouvaient à grand’peine sortir de leur lit à midi. C’est un monde criard, querelleur et jovial, une génération aux muscles de fer, insatiable de bruit, de « plein air, » d’action physique, qui aime la bataille sous toutes ses formes, le duel aussi bien que la boxe, et qui invente tous les jours des sports nouveaux sans oublier un seul des anciens.

On cherche où sont les plaisirs de l’esprit. Ces gens ne lisent-ils point ? Pardon : ils lisent des romans à faire pleurer ou à