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ter peut-être au moment où il est tombé sous les balles de l’assassin. L’évolution, la conversion de son esprit était faite : non pas que le but à atteindre eût changé à ses yeux, mais parce qu’il comprenait la nécessité de le poursuivre autrement. Au surplus, s’il changeait, c’est que l’opinion avait changé elle-même : il était avant tout soucieux de la suivre. M. Mac-Kinley n’était donc un obstacle pour aucune conception politique, excepté toutefois pour celle qui, en se qualifiant d’anarchiste, désavoue et condamne toutes les autres. Deux de ses prédécesseurs ont déjà été depuis un demi-siècle victimes d’assassinats ; mais ces assassinats avaient du moins une cause appréciable. Lincoln avait accompli une grande œuvre, lorsque l’acteur Booth l’a frappé : s’il avait mérité la reconnaissance durable de l’humanité, il avait froissé les préjugés et compromis des intérêts très tenaces et très âpres. Garfield est tombé sous les coups d’un solliciteur aigri. Ces crimes n’en sont pas moins odieux, mais ils s’expliquent. Le crime de Buffalo ne trouve d’explication que dans la violence d’esprit de son auteur.

Après l’émotion et l’incertitude des premiers jours, on commence à espérer que M. Mac-Kinley survivra à ses blessures. Quoique très graves, elles ne sont probablement pas mortelles. Son sang-froid et son courage, qui ne l’ont pas abandonné dans cette dure épreuve, donnent une vraisemblance de plus à sa guérison : mais, s’il venait à succomber, M. Roosevelt lui succéderait aussitôt. Aussi longtemps que vit le président des États-Unis, le vice-président est un personnage très effacé : si bien que M. Roosevelt, jeune et actif comme il l’est, a hésité longtemps à accepter la candidature qui lui était offerte, et qu’il a presque fallu lui imposer. Mais si le président disparait, le vice-président sort aussitôt de l’ombre et apparaît en pleine lumière. On est donc amené à se demander ce qu’est M. Roosevelt, et quelle est la signification de son nom. Il est très populaire dans une grande partie du pays. Il représente l’impérialisme militant. Né le 27 octobre 1858, il n’a pas encore quarante-trois ans, et n’a rien perdu de l’ardeur, ni même de la fougue de la jeunesse. Ce qui l’a mis particulièrement en vue, c’est son rôle pendant la guerre cubaine. Il était sous-secrétaire d’État à la marine lorsqu’elle a éclaté, et, après avoir organisé à ce titre le 1er régiment de cavalerie des volontaires des États-Unis, ces fameux Rough Riders qui ont rempli si brillamment leur devoir pendant la campagne, il en a pris lui-même le commandement. Aussitôt l’attention publique s’est portée sur lui, et ses hauts faits n’ont pas tardé à provoquer un véritable enthousiasme : il est resté dans l’imagination populaire le colonel des Rough Riders. A côté du vail-