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l’incident du Globe, avant que les obsessions de la presse profane et patriotique n’eussent rendu nécessaire quelque apparence d’effarouchement et imposé un commencement de désaveu. Pour M. Marot, ce n’est pas le Globe, c’est la loge Alsace-Lorraine, qui est une anomalie dans la maçonnerie.

Aussi bien, à cette date, les cruelles énigmes qu’on se posait à Vincennes avaient-elles leur écho dans les ateliers des départemens. Etait-il bon de se préparer à la guerre ? Ce doute fermentait, par exemple, dans la cervelle humanitaire d’un conseiller d’arrondissement de Besançon ; couronnant des bambins qui « ne connaissaient que la musique guerrière, l’histoire des luttes héroïques et des combats meurtriers, » il étouffait malaisément deux larmes ; et courant à sa loge, il se soulageait en maudissant Bonaparte et en attaquant ces « préjugés séculaires qui élèvent des barrières artificielles appelées frontières. » Tel autre, dans la loge des Héros de l’Humanité, racontait que ses yeux s’étaient mouillés, durant la première revue des bataillons scolaires, au spectacle de celle « enfantine chair à canon. » L’activité patriotique, décidément, coulait à la maçonnerie trop de larmes amères ; elle finit par y renoncer.

Jean Macé, lui, montra, pour quelque temps encore, plus de constance. C’est que la Ligue de l’Enseignement avait pris goût aux initiatives législatives ; et de même qu’elle avait préparé le vote des lois scolaires, elle désirait accélérer l’avènement d’une loi militaire nouvelle, qui diminuerait la durée du service et marquerait peut-être une étape vers la constitution d’une armée de milices. Si la Ligue pouvait, comme le disait un de ses conférenciers, envoyer au régiment des soldats presque tout faits, la réduction du service ne subirait plus d’obstacles. Sur cette pente, les imaginations allaient hou train. « Je crois que nous plantons là les premiers jalons de l’avenir, » écrivait à Macé le fondateur du cercle cantonal de Nuits ; et l’ancienne théorie républicaine des levées en masse revenait en faveur. Le pasteur Dide affirmait que « si la France, en 1870, avait eu à combattre après trois ans de bonne république, on aurait vu se reproduire le magnifique élan et peut-être les grandioses victoires de la Révolution Française. » C’est en vain que la science historique avait prévalu contre la folle légende des volontaires de 1792, et c’est en vain que Gambetta et Chanzy avaient proclamé la nécessité de l’esprit militaire dans une troupe : Dide et Macé parlaient toujours