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l’interprétation de M. de Wildenbruch, — semblent tenir à d’inexplicables confusions dans la ligne de la succession. Ils se produisent quand les vertus de Frédéric Ier, au lieu d’échoir en partage à l’aîné, c’est-à-dire au chef de la famille, s’égarent sur un cadet, sur un puîné ou sur un collatéral. Les vertus existent toujours ; seulement, elles ne sont pas à la bonne place, et manquent une partie de leur effet. Ainsi fut-il au moment des événemens confus qui marquèrent les débuts de la guerre de Trente ans et qui sont le sujet principal du Generalfeldoberst. Le vieil empire des Habsbourg chancelait sur sa base ; le Brandebourg, ayant fait quelque chemin dans le monde, — ses margraves avaient acquis la dignité électorale, — pouvait aspirer à l’héritage de la maison d’Autriche, et jouer dès lors le premier rôle que l’histoire lui réservait. Mais à ce moment-là, le pouvoir était entre les mains du faible Georges-Guillaume, et ce prince sans caractère avait pour conseiller un diplomate à courte vue, le comte Adam de Schwarzenberg. Avec ces deux pauvres personnages, nous sommes bien loin des temps héroïques de Frédéric Ier. Le maître ne sait ce qu’il veut ; le ministre liait le Brandebourg, dont il n’attend rien, parce que le pays est pauvre et sablonneux. Pourtant, la mère de Georges-Guillaume, femme divorcée de Jean Sigismond, est une forte femme, « la mère du Brandebourg, » comme elle-même se qualifie. L’amertume des jours présens n’ébranle point sa confiance en l’avenir. Elle est bien obligée de reconnaître que son fils s’est écarté des traditions ancestrales. Mais ce n’est là, pour elle, qu’un nuage qui passe. Elle compte sur son petit-fils, dont elle vient saluer la naissance avec une joie prophétique :


… Ce n’est pas un enfant, c’est une race !
C’est l’avenir, l’espérance et la puissance !
Dieu, Dieu, j’avais pensé
Que tu avais détourné de nous tes yeux
Parce que les Hohenzollern s’étaient éloignés de la foi !
Je croyais que leur génie était mort —
Mais il vit ! Et là, dans mes bras,
Je porte l’aurore souriante !…
… Voyez le bleu éclatant de ces yeux !
La forte charpente des jeunes membres !
Comme ses petites mains retiennent le doigt !
Très bien, petit coquin, ce que tu tiens, tu le gardes !
C’est cela ? Oui ? Heida ! comme il rit !