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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/650

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POÉSIES

LA GLÈBE


LES GLANEUSES


La mort du jour torride et du soleil ardent
Laisse un peu de fraîcheur s’épandre par la plaine ;
D’effluves embaumés la tiède brise est pleine ;
Une clarté de nacre argenté l’Occident.

C’est l’heure violette encor du crépuscule,
Où l’arbre du coteau se détache plus fin ;
La glèbe se prolonge à l’horizon sans fin ;
La lumière est par l’ombre envahie et recule.

Dans les champs où passa le vol rythmé des faulx,
Tenant leur gerbe, ainsi qu’on rapporte un trophée,
Les glaneuses, chacune agrestement coiffée,
Regagnent le village en groupes triomphaux.

Bien que lasses, cambrant avec fierté le buste,
A travers les sillons dès l’enfance connus,
L’humble tâche accomplie, elles rentrent, pieds nus,
Dans leur beauté puissante et leur grâce robuste.

Le soir qui les grandit tombe sur leur destin.
Héroïnes sans noms d’obscures épopées,
Elles vont, d’un reflet suprême enveloppées,
Scandant leur marche aux coups d’un angélus lointain,