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suffit de dire, avec Newton que chaque lumière a un indice de réfraction différent : la géométrie la plus élémentaire rend compte du reste.

Dans la théorie des ondulations, l’explication est plus laborieuse. Il faut faire une hypothèse sur la manière dont l’éther se comporte dans les différens corps transparens suivant leur réfringence. On admet que les différentes couleurs du spectre — on l’a vu, tout à l’heure, par anticipation — se distinguent par la rapidité de la vibration : il y en a un peu plus de 400 trillions à la seconde pour le rouge et un peu moins de 800 pour le violet. A chaque couleur simple du spectre est attaché un nombre de vibrations qui en est caractéristique, ou, ce qui revient au même, une longueur d’onde caractéristique. Jusque-là, tout est simple et facile. Mais la théorie, pour être entièrement satisfaisante, exigerait un complément qu’elle n’a pas encore reçu, ainsi que le fait observer J. Thirion[1]. C’est là une légère imperfection. Négligeons-la, et voyons seulement les conséquences de l’explication ondulatoire des couleurs.

Le caractère de la couleur est dû au nombre des vibrations de l’éther ; la hauteur du son est due au nombre des vibrations de l’air. A cet égard, la lumière est à l’éther ce que le son est à l’air ; ou, comme disait Bertin, elle est le son de l’éther. Le spectre solaire est la gamme des couleurs dont les nombres de vibrations croissent une par une, d’une manière continue. La gamme sonore n’a pas cette continuité. La gamme la plus continue, la gamme chromatique, procède encore par bonds : les nombres des vibrations diffèrent au moins d’un comma, c’est-à-dire, dans le rapport de 80 à 81. Un chat tombant sur un piano, un enfant qui en ferait vibrer à la fois toutes les touches ne produirait pas encore, au point de vue sonore, quelque chose de comparable à ce qu’est le spectre solaire au point de vue lumineux. Et, cependant, au point de vue de la sensation, le spectacle du soleil est harmonieux pour l’œil, tandis que le jeu dont

  1. L’explication ondulatoire de la réfraction fait de l’indice de réfraction d’un milieu transparent quelconque une grandeur liée à la vitesse de propagation de la lumière dans ce milieu, par rapport à sa vitesse dans le vide. Or l’indice de réfraction variant d’une couleur à une autre dans le même milieu réfringent, il faut donc que les différentes couleurs y présentent des vitesses différentes. Ce n’est pas ce qui a lieu dans le vide, d’après les observations astronomiques des planètes. Il faudrait trouver une loi de dispersion qui expliquât ces particularités, en les rattachant aux rapports de l’éther et de la matière, dans le milieu considéré. Les plus grands mathématiciens, parmi lesquels Cauchy, l’ont vainement cherchée.