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On a eu tout de suite l’impression qu’il ne voulait pas que l’Empereur vint à Paris. Il lui aurait été facile de l’y attirer ; un mot y aurait suffi ; mais ce mot n’a pas été prononcé et beaucoup d’autres l’ont été en sens inverse, sinon par le gouvernement lui-même, au moins par ses amis. Au lieu de donner les motifs sérieux propres à expliquer et à justifier l’abstention de l’Empereur, le gouvernement a fait dire par ses journaux qu’il ne pouvait pas venir dans une ville qui s’était donné un pareil conseil municipal. En parlant ainsi, la presse gouvernementale se rendait coupable du même défaut de dignité qu’elle reprochait quelques jours auparavant à la presse d’opposition. C’en est fait de l’alliance, disait celle-ci ; l’Empereur en est désabusé ; il ne viendra plus en France. Comment y viendrait-il, lorsqu’il serait exposé à y rencontrer dans les régions officielles tels et tels personnages dont elle citait les noms. — Pourtant l’Empereur est venu. Pourquoi ? Parce qu’il ne voit en nous que la France elle-même, grande, noble et puissante nation, et qu’il ne s’occupe pas des figures successives et toujours provisoires qui représentent son gouvernement. En cela, il respecte la France plus que ne le font quelquefois les partis ; il reste étranger, comme il doit l’être, à notre politique intérieure. Nous qui sommes partisans déterminés de l’alliance russe, et qui demandons seulement qu’on ne la fasse pas sortir des limites naturelles où elle est utile et féconde, nous protesterions avec énergie le jour où on voudrait en tirer la conséquence que nous n’avons pas conservé, en la contractant, la plénitude de notre indépendance au dedans. Nous avons donc protesté contre le langage de la presse d’opposition ; mais que penser du gouvernement qui en fait tenir un absolument analogue par les journaux à sa dévotion ? Cette fois ce n’était pas le ministère qui était en cause, c’était le conseil municipal. Les procédés étaient d’ailleurs les mêmes, on se livrait aux mêmes attaques contre les personnes, on citait également des noms. Si le ministère a cru qu’il ferait, par une diversion de ce genre, retomber sur le conseil municipal la mauvaise humeur qui se tournait déjà contre lui, il s’est bien trompé. Plus que jamais on l’a rendu responsable de ce que le tsar ne venait pas à Paris, parce que plus que jamais on a compris, par le misérable motif qu’il donnait à cette abstention, qu’il y était pour quelque chose. Il s’est appliqué, sous les formes les plus diverses, à manifester son dédain pour le conseil municipal. Les journaux ont raconté l’étrange odyssée du président de cette assemblée, M. Dausset, qui s’est rendu à Compiègne, a heurté inutilement à toutes les portes et a été repoussé de toutes. L’Empereur, averti enfin,