Quant à la riche collection d’exemples réunie par Littré, Hatzfeld y vit surtout des matériaux entre lesquels il aurait à faire un choix, sans d’ailleurs renoncer à les accroître. Il ne prétendait pas donner, comme Littré, une sorte d’anthologie littéraire, et trouvait que les exemples ne devaient être allégués que pour des sens ou des emplois présentant quelque particularité intéressante, et qu’un exemple, mais bien topique, suffisait pour chaque cas. Dans l’étymologie, — pour la fixation de laquelle il s’en remettait à Littré, n’ayant pas sur ce point de préparation spéciale, — dans l’historique, — qu’il n’aurait pas établi directement, n’étant pas familier avec l’ancienne langue, — il vit de précieux secours qui lui permettraient d’étayer et certainement viendraient appuyer la construction toute rationnelle qu’il avait pensé édifier. Pour la nomenclature aussi, il comptait se borner à faire un choix dans celle de Littré. Il entendait, comme lui et comme l’Académie, se restreindre à la langue des trois derniers siècles, et trouvait plutôt excessif l’enrichissement que Littré avait apporté au vocabulaire académique en termes d’arts, de métiers, de sciences, de philosophie, en néologismes, en mots familiers, populaires, même dialectaux et exotiques.
En somme, ce qu’il voulait faire peut se définir comme un abrégé du dictionnaire de Littré, perfectionné sous le rapport des définitions et du classement des sens, muni de citations en petit nombre empruntées aux écrivains autorisés, une œuvre classique au double sens du mot, c’est-à-dire d’une part consacrée surtout à l’usage traditionnel et choisi de la langue, d’autre part destinée en première ligne à l’enseignement du français dans les hautes classes de nos lycées, ce qui impliquait pour le livre une dimension très réduite. Son travail était à peu près terminé en 1871, au moment où paraissait la dernière livraison de Littré. Il trouva en M. Ch. Delagrave un éditeur disposé à le seconder et songea dès lors à commencer l’impression.
Pour la révision de l’œuvre, il avait demandé le concours d’hommes éminens, dont le choix montre bien dans quel sens il prétendait améliorer la lexicographie du français moderne. M. Gréard devait apporter au nouveau dictionnaire son goût exquis et sa profonde connaissance de la littérature classique ; M. Marguerin, directeur de l’école Turgot, et M. Baudrillart, l’économiste bien connu, devaient assurer l’exactitude des définitions dans les deux domaines des sciences de la nature et des