dû cette année-là même refuser des permis de passage à la plupart de ceux qui en avaient fait la demande. Or, l’année suivante, le nombre des demandes tomba à 1 663. D’autre part, en 1846, 715 colons déjà installés abandonnaient leurs exploitations, et, comme les villages ne reçurent cette année-là que 689 nouveaux arrivans, le bilan de la colonisation officielle se chiffra par la perte de 27 colons. La crise eut en outre pour résultat d’entraver le courant de l’émigration libre en Algérie. À ce moment régnait en France un véritable engouement pour ce pays. L’émigration volontaire avait pris des proportions qu’elle n’a plus connues depuis. Dans le courant de la seule année 1846, quarante-cinq mille personnes avaient débarqué dans les ports de l’Algérie. La vue des villages abandonnés et le sort lamentable des colons officiels fit tomber l’enthousiasme, et la plupart se montrèrent aussi empressés à demander leurs passeports pour la France qu’ils l’avaient été à solliciter leur passage pour l’Algérie.
Cet échec de l’administration civile, survenant après l’insuccès éprouvé en pareille matière par l’administration militaire, fit ouvrir les yeux en France. La Chambre, suffisamment éclairée par les résultats obtenus, rejeta, en 1847, un crédit de trois millions demandés par le maréchal Bugeaud en faveur de la colonisation, et ce dernier résigna son commandement et quitta l’Algérie. On calculait que chaque famille de colon installée dans ce pays revenait à 6 000 francs environ, et l’on ne pouvait s’empêcher de trouver que la colonisation officielle coûtait cher. On se demandait où l’on allait avec cette manière d’agir, et M. de Tracy se faisait à la Chambre l’interprète de cette anxiété : « Il est dur pour la nation, disait-il, qu’après avoir dépensé beaucoup pour la conquête, on soit obligé de sacrifier encore peut-être un milliard pour y établir le peuple qui doit l’utiliser. » Et peut-être, étant donné cet état des esprits dans la métropole, aurait-on renoncé dès lors au système de la colonisation officielle, si des événemens imprévus n’eussent amené les hommes politiques à envisager la question de colonisation sous un jour tout nouveau. La révolution de 1848 avait éclaté ; la stagnation était partout dans les affaires et la fermeture des ateliers nationaux avait jeté sur le pavé de Paris bon nombre d’ouvriers inoccupés. Exporter une partie de ces derniers en Algérie parut être à plusieurs une solution partielle de la question sociale en même temps qu’une manière commode de se débarrasser d’élémens turbulens et