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savoir si cette soumission à révoque du lieu était comme suffisante. Pour nous, cela n’est pas douteux. Quand nous avons dit, en effet, qu’il s’agissait surtout ici des choses spirituelles, il faut prendre le mot dans le sens le plus large, puisqu’il comprend la fondation, non seulement des établissemens purement ecclésiastiques, mais des hôpitaux et des écoles, et que l’intérêt de l’État à soumettre les congrégations à la juridiction de l’ordinaire ne saurait aller plus loin. Mais les exigences des pouvoirs publics s’arrêteront-elle, s’là ? Il serait téméraire de l’assurer. Combien de fois n’avons-nous pas répété qu’on peut tout faire avec la loi nouvelle et qu’il y a vingt manières différentes de s’en servir ? Il est malheureusement à craindre que le gouvernement actuel ne préfère ce qu’on appelle la manière forte à la manière douce, tolérante et vraiment politique.

Quoi qu’il doive en être de l’avenir, nous aurions désiré, autant qu’il nous appartenait d’exprimer un désir en pareille matière, que toutes les congrégations demandassent à être autorisées. Puisque les unes l’ont fait, les autres pouvaient le faire. Quelque condamnable que soit la loi dans quelques-uns de ses articles, et même dans son esprit général, Rome admettait qu’on pût s’y soumettre. Si toutes les congrégations l’avaient fait, elles auraient laissé aux pouvoirs publics la responsabilité de ce qu’il y aurait eu de violent et d’odieux dans les décisions ultérieures qui auraient été prises contre certaines d’entre elles. Les jugemens populaires sont sans doute bien superficiels, mais ils se répandent vite dans tout le pays. — Les congrégations, dira-t-on de celles qui n’ont pas demandé à être reconnues, n’ont pas été dissoutes, elles se sont séparées elles-mêmes. Elles n’ont pas été exilées, elles ont émigré. Pourquoi ne se sont-elles pas inclinées comme les autres devant la loi ? Elles auraient été peut-être épargnées. — Un motif d’un ordre tout pratique aurait pu aussi les y déterminer, à savoir qu’il est difficile, sinon impossible, de statuer sur leur sort dans un bref délai, difficulté qui aurait encore augmenté dans l’hypothèse où elles auraient toutes sollicité la reconnaissance légale. Le gouvernement commence à faire dire qu’il faudra longtemps pour constituer les dossiers de celles qui se sont résignées à le faire, et que des semaines et des mois s’écouleront avant que les Chambres aient pu se prononcer sur leur compte. Il faudra une loi pour chacune d’elles. Avant de la discuter, il y aura des formalités nombreuses à remplir, des enquêtes à faire, des avis à demander. C’est toute une procédure à créer, puisque le cas ne s’est encore jamais présenté : les lois antérieures étaient restées lettre morte, aucune