Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la côte en ligne de file. Hum ! où sont-elles, ces batteries ?… Tout cela est plat, uniformément plat… Ah ! cependant, tenez : voyez-vous sur l’avant et un peu par bâbord ce léger renflement au profil régulier ?…

Hé ! tout juste : un éclair, un petit ballon de fumée ; voilà la batterie de Sablonceaux repérée. Le Masséna ouvre le feu aussitôt et toute la ligne l’imite d’un roulement continu. Il est entendu, d’ailleurs, que les pièces d’artillerie moyenne, seules, tireront ; les gros canons et l’artillerie légère se contenteront de pointer.

Mais voici, sur la terre ferme, un peu par tribord, une deuxième batterie qui tire, et puis une troisième, droit devant : et toujours les petits ballons de fumée blanche nous indiquent leur gisement exact. C’est égal, ce pertuis d’Antioche est bien défendu, et s’il s’agissait d’une véritable opération de guerre, nous ne saurions nous engager dans le cul-de-sac que ferment, au nord, les hauts-fonds du Pertuis breton, sans entreprendre une attaque méthodique.

— Mais alors, plus de surprise ; les défenseurs auraient le temps d’accourir sur le point menacé ?

— Parfaitement, et ce serait en ce cas une descente de vive force qu’il faudrait prévoir, au lieu d’un simple débarquement. Nous sommes outillés pour cela… Il y aurait des pots cassés, par exemple ; mais quoi ! A la guerre !…

9 heures 30. — Le combat d’artillerie est terminé. Nous sommes censés avoir éteint le feu des batteries. Chacun prend le poste de mouillage qui lui était assigné sur les plans établis d’avance, tandis que les trois paquebots, longeant toute la ligne, vont jeter leur ancre le plus près possible de la plage de la Repentie. Plus près encore s’étagent, suivant leur tirant d’eau, les croiseurs légers et les contre-torpilleurs, dont l’artillerie protégera tout à l’heure la descente.

Vite ! vite, à l’eau vedette à vapeur, canots à rames, baleinières, youyou ! La vedette part la première, traînant le youyou derrière elle. Kervella, le patron, se redresse avec importance : il va prendre un général de brigade, à bord de la France… mission de confiance ! Notre camarade de M…, le lieutenant de vaisseau chargé des embarcations, est là, à la coupée, tout prêt à embarquer dans le grand canot, tandis que son enseigne S… est déjà dans la baleinière de plage, celle qui ira, sous le feu, porter à terre les fanions indicateurs et les piquets d’amarrage.