Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Orvilliers, tient ferme pour le ravitaillement ultra-rapide, les 150, votre les 200 tonnes à l’heure :

— Ah ! si vous aviez vu ça, vous autres, nous dit-il ; ce que ça fumait !… Nous y étions tous, officiers, aspirans, premiers maîtres… Le chef d’état-major de la division, le commissaire passaient les briquettes… L’amiral encourageait les hommes de la voix et du geste ! Et comme tout était bien disposé à l’avance ! La veille même, quand nous devions arriver de bon matin… Eh bien ! après ça on était éreinté, mais content ; quant aux hommes, ils étaient absolument emballés… Et quel bonheur de faire la nique aux Anglais ! On nous rasait depuis si longtemps avec leurs 200 tonnes à l’heure !…

— Fort bien !… Faire la nique aux Anglais, effectivement, c’est un bonheur rare. Mais, dites-nous donc : où mettiez-vous tout ce charbon ? Pas dans les soutes certainement. L’arrimage des briquettes ne va pas si vite…

— Non. Il fallait mettre à peu près tout dans les entreponts. Les soutes se remplissaient ensuite peu à peu. Je vois bien ce que vous voulez m’objecter, qu’alors le bâtiment n’était pas vraiment prêt à marcher et à combattre. D’accord ; mais vous oubliez l’avantage de débarrasser tout de suite les chalands à charbon, qui revenaient au parc, se remplissaient et repartaient pour un autre bâtiment.

— Pas toujours !… Quand messieurs les ouvriers de l’entrepreneur consentaient à travailler ! En tout cas, votre raisonnement ne prouve que la nécessité d’augmenter le nombre des chalands à charbon du port de Toulon, — comme des autres, du reste, — ou de créer de nouveaux appontemens où le charbon puisse arriver, sur les rails, aux bâtimens accostés, ce qui est évidemment l’idéal. Maintenant, reprenons un peu ce que vous nous avez dit : tout était bien disposé à l’avance, et de la veille. Pensez-vous qu’en temps de guerre, on aura, le loisir, ou seulement la possibilité d’agir ainsi ? Supposons-le cependant. Si bonnes, si judicieuses que puissent être ces dispositions, elles n’auront pas la vertu de suppléer aux forces des équipages, et on oublie peut-être trop que la guerre, la guerre réelle, la guerre avec les terribles engins modernes, la guerre avec ses préoccupations, ses responsabilités, ses énervemens — dont la répercussion se fera sentir, en fin de compte, sur les équipages — causera de bien autres fatigues physiques au personnel que les plus