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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/239

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théoriciens du parti socialiste connaissent l’histoire : ils font volontiers remarquer que la Révolution a toujours commencé par un incident dont personne, pas même ceux qui l’avaient provoqué, n’avait prévu les conséquences. Le tout est de partir ; on aboutit ensuite où l’on peut. Le but immédiat que les meneurs assignaient à la grève générale de l’industrie minière était circonscrit à trois réformes qui, peu à peu, s’étaient fixées dans les esprits des ouvriers comme représentant le minimum de leurs revendications. Ces réformes avaient été élaborées dans plusieurs congrès : on les présentait en fin de compte comme un bloc irréductible. La Chambre devait les mettre à son ordre du jour et en faire des lois de l’État. Ces trois réformes sont les suivantes : minimum de salaires, réduction de la journée de travail à huit heures, retraite de 2 francs par jour pour tous les mineurs après vingt-cinq ans de travail, sans distinction de sexes ni de nationalités. Ce n’est pas la première fois qu’elles avaient été revendiquées par les ouvriers ; ce n’est pas la première fois non plus que ceux-ci menaçaient de se mettre en grève, si l’on ne les faisait pas tout de suite ; mais la situation n’en était ou n’en paraissait que plus grave. On se lasse en effet d’espérer et d’attendre : les ouvriers trouvaient qu’ils avaient assez attendu et espéré. Le jour des réalisations était venu pour eux : ce serait immuablement le 1er’novembre. Ils avaient rappelé cette date à diverses reprises, en prenant le ciel à témoin qu’ils ne consentiraient à aucun nouveau délai. La précision apparente qu’ils étaient parvenus à donner, soit à leurs revendications elles-mêmes, soit à la date où elles devaient être consenties, était pour eux une force, car tout ce qui réunit les esprits dans un même sens et les fait converger à un même point en est une. Mais les ouvriers avaient aussi leur faiblesse.

Elle venait des résultats toujours incomplets des consultations qu’ils s’étaient demandées à eux-mêmes, sur la question de savoir s’il faudrait faire la grève générale immédiate dans le cas où ils n’auraient pas obtenu satisfaction à la date fatidique. On a parlé quelquefois d’introduire le référendum dans nos mœurs politiques, et nous ne disconvenons pas de l’utilité qu’il pourrait présenter dans certains cas : mais l’expérience que les ouvriers viennent d’en faire n’est pas de nature à beaucoup encourager. On a eu beau leur poser la question, le plus grand nombre n’y a pas répondu. Sur 160 000 mineurs qu’il y a en France, près de 100 000 se sont abstenus : comment connaître dès lors l’opinion qui l’emporte parmi eux ? Le congrès de Lens a cru pouvoir résoudre la difficulté d’une manière prodigieusement simple : il