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VOULONS-NOUS UNE ÉGLISE NATIONALE ?

Rien, à vrai dire, ne « se recommence, » et on dirait plutôt que tout se continue dans l’histoire de l’humanité ! Mais les mêmes causes, en se combinant diversement, ne laissent pas quelquefois de produire des effets analogues ; et c’est ce qui fait en même temps l’attrait, — et la vanité, — des « leçons de l’histoire. » L’application n’en est jamais si juste que l’on ne puisse toujours y contredire ; et cependant, on ne saurait résister à la tentation de rapprocher le présent du passé, pour les éclairer l’un par l’autre, et demander à leur confrontation le secret de l’avenir.


I

L’un des actes que les historiens et l’opinion publique du siècle qui vient de finir auront sans doute reproché le plus sévèrement et le plus éloquemment à l’ancienne monarchie, c’est la révocation de l’Edit de Nantes, et, — quoi qu’en puissent dire quelques « nationalistes, » en vérité trop échauffés, — on a eu raison de le lui reprocher. Mais qu’était-ce donc que cet acte fameux ; et, si nous le dégageons des circonstances particulières qui l’ont inspiré, comment en résumerons-nous l’esprit ? ou, si l’on veut encore, et sans tant tourner autour du mot, ou dirons-nous qu’en fut « le crime ? » Le voici : la révocation de l’Edit de Nantes a obligé cinq ou six cent mille Français de faire un choix entre la « religion » et la « patrie. » Ou vous serez catholiques, leur ont dit en substance les dragons de Louvois, c’est-à-dire vous abjurerez les croyances qui sont les vôtres, ou vous abandonnerez le sol qui vous a nourris, et vous irez sous d’autres cieux abriter votre foi. Et en vain le pouvoir a-t-il essayé de se