Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

existans, chrétiens et civilisés, les règles à observer pour acquérir certains droits sur ces territoires ne peuvent ni ne doivent assurément pas être moins sévères que celles auxquelles tous les États sont d’accord de se conformer quand il s’agit d’occupations nouvelles de territoires appartenant à des indigènes, à des sauvages, et sans lesquelles ces occupations ne sauraient être considérées comme effectives. Or, l’Acte général de la Conférence africaine de Berlin, du 26 février 1885, visant plus particulièrement le bassin conventionnel du Congo, porte en son article 35 :

« Les puissances signataires du présent Acte, reconnaissant l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés par elles, sur les côtes du continent africain, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis et, le cas échéant, la liberté du commerce et du transit dans les conditions où elles seront stipulées…, etc. »

L’Acte de Berlin, on le voit, est parti de ce principe certain que, dès qu’il s’agit d’intérêts aussi graves que l’acquisition de territoires, les puissances qui vivent sous le bénéfice du droit des gens, et qui, par là même, ont le devoir de le respecter et de le faire respecter, ne sauraient se contenter d’une pure fiction, d’une prétention vaine, mais doivent veiller à ce que l’occupation ou la conquête soient, dans toute la rigueur des termes, une réalité. Bien que cet Acte ne s’applique qu’aux territoires côtiers de l’Afrique et que les Républiques Sud-Africaines, que lord Roberts prétend avoir conquises, forment une enclave territoriale qui ne touche pas à la mer, il n’en est pas moins évident qu’un principe général, juste et rationnel, comme l’est celui de l’article 35 précité, doit être dorénavant étendu à toutes les acquisitions de territoires, surtout en Afrique, et surtout dans ces régions de l’Afrique toutes proches voisines du bassin conventionnel du Congo. Par analogie, — ainsi que nous l’avons démontré, — et même à plus forte raison, nous pouvons donc dire que, pour que la conquête des deux Républiques puisse et doive être considérée comme un fait accompli, il faut de toute nécessité que la Grande-Bretagne établisse qu’elle y a assuré « l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits » qu’elle y aurait acquis.

Mais, dans le cas que nous étudions, il ne peut être sérieusement question de droits acquis. Pour que l’on puisse avoir des droits acquis, il faut qu’en effet on ait acquis des droits ; il faut,