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qui ne se doit donc rendre serve ou vassale d’aucune autre ; et dont la perfection ne se réalisera que par ses moyens propres et particuliers. C’est ce que l’on peut exprimer d’une manière plus brève en disant qu’aucun grammairien français n’a peut-être eu plus que Vaugelas le sens du « gallicisme ; » et aussi bien, n’est-ce pas ce qu’il déclare lui-même, quand il nous fait soigneusement observer que « son dessein n’est pas de redire ce que les grammaires françaises apprennent aux étrangers, mais de remarquer ce que les Français même les plus polis et les plus savans en leur langue peuvent ignorer ? » Nous voilà dûment avertis. Ce que l’on trouve dans les grammaires françaises, il l’y laisse, lui, Vaugelas, et les étrangers ou les écoliers iront l’y chercher. Mais ce qu’il y a de plus français en français, et que des Français même peuvent ne pas savoir, ce qu’il y a de plus « intraduisible » ou de plus « incommunicable, » tel est l’objet de ses Remarques, et il ne les a réunies qu’à cette intention.

On aime donc l’entendre dire, sur la locution, s’attaquer a quelqu’un : « Cette façon de parler : S’attaquer à quelqu’un, est très étrange et très française tout ensemble, car il est bien plus élégant de dire s’attaquer à quelqu’un qu’attaquer quelqu’un. Ce sont de ces phrases dont nous avons parlé ailleurs, qui ne veulent pas être épluchées, parce qu’elles n’auraient point de sens, ou même sembleraient en avoir un tout contraire à celui quelles expriment, mais qui, bien loin d’être moins bonnes, en sont beaucoup plus excellentes. » Thomas Corneille et l’Académie, dans leurs additions aux Remarques de Vaugelas, lui font ici une mauvaise chicane. Ils prétendent que s’attaquer à quelqu’un ne veut pas dire la même chose qu’attaquer quelqu’un, ce qui est certain ; et ils en concluent qu’on ne peut donc pas dire que l’un soit plus élégant que l’autre, puisqu’ils ne sont pas comparables. « S’attaquer à quelqu’un marque le sentiment qui nous fait entreprendre d’attaquer une personne plus considérable et plus puissante que nous ; attaquer quelqu’un'' signifie l’action même. » Ils n’ont pas compris Vaugelas. S’attaquer à quelqu’un ne veut pas toujours signifier qu’on entreprenne d’attaquer une personne plus puissante ou plus considérable, et la preuve en est que l’on dira fort bien : « C’est une lâcheté de s’attaquer à plus faible que soi : » on le dira même plus élégamment que : « C’est une lâcheté d’attaquer plus faible que soi. » Ne dira-t-on pas encore, presque indifféremment quant au sens : « Attaquer les