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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/720

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premier chef. Elle a voulu prendre pied sur le continent asiatique, et on se rappelle avec quel éclat l’empereur Guillaume a tenu à le faire. A partir de ce moment, il y a eu quelque chose de changé dans les rapports de l’Europe avec la Chine. Celle-ci est restée sourdement irritée, et a cherché l’occasion de se venger. D’autre part, son territoire était de plus en plus envahi par nos entreprises. On y a vu arriver une légion de missionnaires d’un nouveau genre, missionnaires tout laïques qui n’étaient autres que des ingénieurs, et certes, nous ne les accusons pas, car ils représentent, eux aussi, des intérêts considérables et ils font œuvre de progrès ; mais, ignorant les mœurs du pays, ils les ont infiniment moins respectées et ménagées que les missionnaires catholiques. Pour faire passer leurs routes et leurs chemins de fer, ils ont tout mis sens dessus dessous en Chine. Ils y ont plus d’une fois porté la main, ou plutôt la pioche sur les cimetières, ce qui est le pire des sacrilèges ! La diplomatie européenne aujourd’hui a beaucoup plus d’embarras avec les ingénieurs qu’avec les missionnaires, et M. Hubbard retarde de plusieurs années lorsqu’il dit que ces derniers sont la cause unique, ou principale du mal. Au surplus, il ne s’embarrasse guère de savoir s’il en est ainsi : il doit en être ainsi ! Il le conclut a priori de l’idée qu’il se fait des moines. La crainte qu’il en éprouve en France ne lui permet pas de conserver son sang-froid à leur égard, même en Chine. La distance qui nous en sépare n’est pas encore assez grande pour les rassurer. Et puis, quand il n’a pas peur pour lui-même, il a peur pour ces pauvres Chinois, et il met un zèle tout maçonnique à les protéger contre les propagateurs de l’Évangile, oubliant qu’ils le sont aussi de l’influence française et de ce qu’on appelle pompeusement la civilisation occidentale.

Mais l’opinion de la commission du budget et de son rapporteur n’avait qu’un intérêt secondaire ; il fallait savoir celle du cabinet. M. Ribot la lui a demandée, s’engageant, pour lui et pour ses amis, à voter l’emprunt de 265 millions, c’est-à-dire avec le chiffre que réclamait le gouvernement, à la condition qu’il ferait des déclarations satisfaisantes sur cette question du protectorat catholique qui, à tort ou à raison, se trouvait avoir pris la première place dans le débat. « Je souhaite, disait-il, que le gouvernement n’abandonne pas sa proposition. Mais ce que je lui demande, c’est de nous dire clairement s’il accepte les distinctions insoutenables, injustifiables, dangereuses au plus haut point, qui ont été faites par la commission. Ce que je lui demande, c’est de dire surtout s’il s’associe à ce vote de la commission,