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pleins d’esprit, » dont l’éclat avait « je ne sais quoi qu’on ne sauroit exprimer : » où « la mélancolie douce paraissoit quelquefois avec tous les charmes qui la suivent presque toujours ; où l’enjouement se faisoit voir à son tour avec tous les attraits que la joie peut inspirer. » Et si l’on soupçonnait que l’auteur du Grand Cyrus y a mis un peu du sien, il faudrait bien s’en rapporter à ce portrait, précis comme un signalement, que l’ingénieuse érudition de M. de Boislisle a découvert dans les cartons de la Bibliothèque nationale : « Veuve à vingt-cinq ans, belle, spirituelle, vertueuse par vanité, belle taille avec dignité, noblesse d’action, regards majestueux. Visage ovale d’un tour admirable, beau teint, grands yeux noirs fort vifs, nez aquilin, bouche grande, belles dents, lèvres vermeilles bien bordées, sourire charmant, mains et bras bien taillés, beau port, physionomie fine ; conversation délicate, quelquefois badine ; âme grande, esprit juste, cœur droit, tendre, franche, bonne amie, magnanime, toujours modeste, cachant avec soin une belle gorge ; » avec tant de soin, nous racontera plus tard Mme d’Aumale, que ses amies crurent longtemps qu’elle y avait quelque mal, jusqu’à certain jour qu’ayant chaud, et s’étant découverte, elles aperçurent au contraire un objet digne d’admiration.

Sans doute l’âge avait quelque peu flétri ces attraits, comme il arrive à toutes les femmes, mais ne les avait pas complètement détruits. Ce ne fut pas uniquement par sa solidité qu’elle eut l’art, à cinquante ans, de séduire un roi de tempérament amoureux, ni surtout de le conserver. Certaine lettre de son directeur en donne à deviner sur ce sujet délicat plus que je n’en voudrais dire. Même en son extrême vieillesse, elle avait conservé quelque chose de cette belle taille avec dignité et de cette physionomie fine. Dans ses Lettres historiques et galantes, Mme Dunoyer, qui ne craint cependant pas de se faire souvent l’écho de certains commérages peu favorables à Mme de Maintenon, rapporte qu’une Anglaise de sa connaissance, la comtesse d’Exeter, ayant eu la curiosité de voir cette femme dont le nom faisait tant de bruit en Europe, « une amie qui la conduisoit la fit ranger à côté lorsque Mme de Maintenon se préparoit à monter en carrosse avec le Roi pour un voyage de Marly, et lui dit : « Regardez-la bien. » Mme de Maintenon parut sans suite, habillée d’un damas de feuille morte tout uni, coiffée en battant l’œil, n’ayant pour toute parure qu’une croix de quatre diamans pendue à son col,