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part de ses heures. La population d’Avon était alors assez misérable. Elle se proposa d’y faire quelque bien, et pour l’accomplissement de ce dessein se fit aider par Mlle d’Aumale. Elle entreprit d’abord d’y créer une Charité, nous dirions aujourd’hui un bureau de bienfaisance. De cette Charité Mlle d’Aumale tenait les comptes, mais il n’était pas toujours facile d’en rassembler les membres. Le procureur, nous dirions aujourd’hui le secrétaire, était couvreur, et il fallait souvent aller le chercher sur le haut d’un toit. Quant aux principales officières, peu s’en fallait qu’elles-mêmes ne fussent à l’aumône. Cependant la Charité distribuait force vêtemens et potages. La reconnaissance que lui témoignaient les bonnes femmes du village qu’elle faisait venir chez elle, la joie avec laquelle elles saluaient son retour annuel à Fontainebleau, lui faisaient plaisir et la dédommageaient des injures, accusations, calomnies qu’elle savait répandues contre elle. Mlle d’Aumale avait sa part de cette reconnaissance, et quand elle passait en carrosse dans les champs, les petits garçons et les petites filles criaient de loin : Vive Mlle d’Aumale ! En vieille fille qu’elle était (vieille fille pour les idées du temps, car elle n’avait pas trente ans), elle s’intéressait aux aventures de cœur des filles du village. Il y avait une certaine Françoise Payen, dont les intrigues d’amour (c’est l’expression dont elle se sert) l’intéressaient beaucoup, et Mme de Maintenon elle-même les favorisait. Françoise voulait contracter un mariage qui ne plaisait point à ses parens. Elle se plaignait de « ne pas voir son prétendu à moitié son soûl. » Mme de Maintenon s’efforçait alors de la déterminer à épouser un certain Fiacre. Françoise y consentait d’abord, puis elle ne voulait plus. « Son cœur est pris depuis longtemps, écrivait Mme de Maintenon à une religieuse de Saint-Cyr, et cette sagesse qui paraît dans toute sa personne est une passion sérieuse qui l’occupe. Ce sont là présentement mes peines. » Nous ne savons comment finit l’aventure de Françoise, mais nous voyons qu’après s’être occupée ainsi, à plusieurs reprises, d’établir des jeunes filles d’Avon, Mme de Maintenon finit par éprouver quelques déboires. « Je découvre de grandes intrigues, écrit-elle, et je me vois la dupe des filles du village ; mais, jusqu’ici, je ne vois que des passions trop fortes, sans aucun vice. » On devine que, dans sa pensée, elle compare ce monde de village au monde de la Cour où elle voit moins de passions et plus de vices.

L’activité de Mme de Maintenon et celle de Mlle d’Aumale