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aux personnes qui me désirent près de l’Infante, mais je ne ferai jamais un pas pour être auprès des grands. Si Dieu m’y appelle, il faudra qu’on me prenne où je serai, car vraiment je ne le chercherai pas. Je hais pourtant ma liberté, parce que je l’ai achetée trop cher, et aux dépens de toute la félicité de ma vie. »

Le meilleur du temps des deux amies se passait à parler de Madame, à relire d’anciennes lettres d’elle. Ce fut même pendant ce séjour que la pensée vint à Mlle d’Aumale de coucher par écrit ce qu’elle savait de Mme de Maintenon. L’évêque de Chartres, non pas Godet Des Marais, qui avait été si longtemps directeur de Mme de Maintenon, mais Des Montiers de Merinville, son successeur, l’en sollicitait. « Je suis obligée à Mgr de Chartres, écrivait-elle à Mme de Glapion, de me croire assez d’esprit pour faire la vie de Mme de Maintenon. Je ne le pourrois dans le monde. Il me faudroit les charmes de Saint-Cyr et pouvoir travailler avec vous. Je tâcherai pourtant de découvrir ce que je saurai sur elle. » Aussi est-il infiniment probable que le premier texte de ses Souvenirs date des années suivantes, c’est-à-dire d’une époque contemporaine de celle où son amie, Mme de Caylus, morte en 1729, écrivait les siens.

Quelques années après, nous la retrouvons encore à Vergie, vivant dans la dévotion, et des lettres d’elle que nous publierons nous la montrent fort affligée des discussions que la Constitution et la bulle Unigenitus avaient engendrées dans l’Eglise, fort scrupuleuse également dans le choix de ses lectures et consultant son évêque sur celles qu’elle pouvait se permettre. « Je suis peut-estre, écrivait-elle encore à Mme du Pérou, alors supérieure de Saint-Cyr, la seule dans son diocèse qui ait ce scrupule, mais vous m’avez inspiré tant de droiture et d’obéissance à mes pasteurs légitimes, que je ne m’en écarte en rien, quoique le monde s’en mocque. Je suis comme un rocher là-dessus[1]. »

Mlle d’Aumale avait conservé cependant le goût de venir de temps à autre à Versailles, où on la recevait avec les égards dus à sa naissance et à la situation qu’elle avait occupée, mais où on la considérait un peu comme une antiquité. « Elle veut toujours voir le Roi quand elle vient dans ce pays-ci, dit le duc de Luynes, en 1751, et le Roi la reçoit avec bonté. » En avril de cette même année, elle assista à la prise d’habit d’une de ses nièces

  1. Lettre inédite.