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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/785

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ous.

Les cris de joie s’éteignirent, faisant place à des murmures étouffés, et, après une lutte assez courte, les rebelles furent refoulés quelque part ; un seul pas retentit se dirigeant vers la porte.

– M. Livingstone !

En reconnaissant son patron, l’employé avait tressailli. Avec une certaine raideur, il le pria d’entrer dans le petit salon où il le laissa un instant. A travers une cloison assez mince, il était facile d’entendre. Mme Clarke, en train de déshabiller les enfans, répéta d’une voix tremblante le nom que venait de prononcer son mari, et aussitôt chacun se tut ; tels les petits oiseaux quand apparaît le faucon.

Livingstone en fit, à part lui, la remarque assez pénible. Il regardait cette chambre en désordre le vieux mobilier usé, la chaise longue dont les coussins portaient encore l’empreinte d’une malade, et, dans un coin, le chétif arbre de Noël aux branches duquel s’accrochaient des jouets de carton, des nœuds de ruban, de petits vêtemens tricotés, des livres de seconde main. D’autres articles, évidemment fabriqués au logis, jonchaient le plancher, Clarke ayant été interrompu par le coup de sonnette dans sa besogne de décorateur. Lorsqu’il revint : – C’est pour les enfans, dit-il avec simplicité.

Puis il offrit une chaise à Livingstone.

– Monsieur Clarke, lui dit celui-ci, rompant aussitôt la glace, j’ai une faveur à vous demander.

Clarke, dans son étonnement, ouvrit de grands yeux.

– Je viens vous prier de me prêter votre petite fille, celle qui est venue au bureau, la Belle aux cheveux d’or. – Monsieur,… comment ?… Je ne comprends pas…

– Combien avez-vous d’enfans, Clarke ?

– Huit, répondit l’employé, mais je ne voudrais donner aucun d’eux à personne.

– J’ai dit prêter,… prêter pour un soir. J’ai besoin d’elle pour m’aider à faire aussi un arbre de Noël. Écoutez, Clarke, depuis des années, je n’ai été rien qu’une brute et je viens seulement de m’en apercevoir. – Monsieur Livingstone, balbutia le fidèle subordonné avec effroi, on m’avait bien dit chez vous que vous étiez malade. J’ai peur que… – Oui, j’étais malade, interrompit Livingstone, j’étais aveugle. Maintenant je commence à voir clair…