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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/793

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le traîneau, deux petits bras entourèrent son cou, un baiser se posa sur sa joue. Il serra l’enfant contre lui et monta dans le traîneau sans la lâcher. Elle dormait encore, la tête sur son épaule, quand le traîneau s’arrêta devant la porte de M. Clarke, et elle ne se réveilla point en passant de ses bras dans ceux de son père. Elle soupira seulement et balbutia quelques mots inintelligibles sur l’associée de Santa Claus.


V


En rentrant chez lui, Livingstone ne ressemblait plus guère à l’homme qui, deux heures auparavant, avait franchi ce même seuil, le cœur vide et désespéré. Il trouva ses domestiques inquiets de son absence et un souper chaud qui l’attendait. Pour la première fois, il crut voir que ces braves gens lui étaient dévoués. Tout en soupant, il recommanda au maître d’hôtel abasourdi de découvrir le lendemain matin un certain agent de police, n°268, et de lui remettre sa souscription pour l’établissement d’une bonne glissoire à l’usage des gamins du quartier. Comment n’aurait-il pas pensé au plaisir de tous, lui qui avait reçu cette nuit-là, par la main d’un enfant, des cadeaux si précieux

Avant de se coucher, il jeta, presque en tremblant, un regard au miroir où il avait vu cette figure hagarde, vieillie, marquée au front d’un chiffre fatal,… ses millions. Dieu merci, le stigmate avait disparu, et il se trouvait même une vague ressemblance avec le portrait de son père. Il se coucha et dormit comme il ne l’avait pas fait depuis des années : il rêva que le bazar du marchand de joujoux était changé en une certaine avenue de sa connaissance dont tous les arbres étaient des arbres de Noël, et Catherine Trelane y cueillait des présens merveilleux qu’elle lui remettait souriante parmi eux, figuraient la Jeunesse, l’Amitié, le Bonheur. Il s’éveilla en sursaut avec un cri presque aussi joyeux que le matin d’hiver ensoleillé ; quand il regarda par la fenêtre la neige étincelante teintée de rose, il lui sembla entrer dans un monde nouveau. Toute la matinée, il courut à la recherche d’un notaire, et il le trouva ; toute l’après-midi, il donna des ordres pour la grande fête du soir, qui commença par l’arrivée d’un traîneau à quatre chevaux chargé de marmaille en liesse. Ce fut Kitty qui fit les honneurs de la réception sous