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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/838

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faveur des prolétaires. Mais, comme il s’agissait d’entrer dans une voie tout à fait nouvelle, où les répugnances de certains États à se laisser conduire étaient manifestes, la Suisse réduisait ses ambitions à la tenue d’une conférence en quelque sorte technique, d’où sortiraient seulement des vœux ou « des propositions pures et simples ne liant encore personne ; » après quoi, « dans le cas où l’un ou l’autre des gouvernemens ne trouverait acceptable pour lui qu’une partie seulement de ces propositions, on pourrait conclure des conventions internationales spéciales entre ceux des États qui tomberaient d’accord sur la solution d’un même groupe de questions, » et qui s’obligeraient ainsi à introduire dans leurs lois spéciales « certaines prescriptions de minimum. » Bien mieux : ces premières restrictions ne suffisant pas encore à calmer toutes les susceptibilités éveillées par l’initiative helvétique, le programme de la Conférence ne parlait plus que d’interdire le travail du dimanche, et de réglementer la durée du labeur pour les personnes dites protégées, femmes et enfans. On n’osait pas aborder la limitation de la journée des ouvriers adultes, mais, comme le déclara par la suite le délégué suisse à Berlin, on n’y avait renoncé que pour des motifs d’opportunité, « momentanément et à contre-cœur, » pour ne pas écarter de la Conférence certains États que l’on savait irréductibles à cet égard.

L’invitation suisse est du 15 mars 1889. La France, la Grande-Bretagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie, d’autres gouvernemens encore, l’acceptèrent telle qu’elle avait été formulée ; mais, en juillet, ni l’Allemagne, ni les États scandinaves n’avaient encore répondu, efforce fut au cabinet de Berne d’ajourner au mois de mai de l’année suivante la réunion de la Conférence, qu’il avait d’abord fixée pour septembre. Dans les premiers jours de février 1890, le programme des travaux fut définitivement arrêté, et tout paraissait convenu, lorsque soudain l’empereur Guillaume prescrivit au chancelier de Bismarck de convoquer à bref délai à Berlin les gouvernemens « disposés à entrer en négociation afin d’amener une entente internationale sur la possibilité de donner une satisfaction aux besoins et aux désirs des ouvriers, qui ont trouvé une expression au cours des grèves des dernières années et dans d’autres circonstances. » Mais, pas plus chez l’empereur Guillaume qu’auprès du gouvernement helvétique, peut-être moins encore, ce n’est la préoccupation humanitaire qui domine : « Je suis résolu, dit le rescrit impérial du