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finale comme celui du second acte des Noces de Figaro. Chef-d’œuvre symphonique par le développement des motifs, il est peut-être encore plus un chef-d’œuvre mélodique par leur succession. Où Wagner eût fait se combiner les thèmes (voyez le finale de la bagarre dans les Maîtres-Chanteurs), Mozart les fait surtout se suivre. Ils paraissent ici tour à tour, jamais ensemble et toujours tout entiers. Si chacun d’eux se transforme parfois, jamais il ne se divise ou ne se dénature, comme dans les polyphonies wagnériennes, au point qu’on ne puisse plus le reconnaître ou le deviner qu’à ses misérables restes. En ce vaste épilogue, il n’y a pas une « idée » qui ne fournisse toute sa carrière et ne remplisse toute sa destinée. Encore une fois, le plus développé des finales de Mozart n’est pas autrement constitué que la plus brève de ses mélodies. Entre l’une et l’autre ordonnance sonore, la différence n’est pas de nature, elle n’est que de proportions.


III

Admirable en elle-même et si nous ne la regardons que comme sa propre fin, la mélodie de Mozart n’est pas moins admirable en tant que moyen d’expression. Notre confrère anglais M. Shedlock estimerait avec raison que ni la practical, ni la poetical basis ne lui manque. Elle porte également et d’aplomb sur toutes les deux. Prétendre, ainsi qu’on le fait trop souvent, qu’elle n’est fondée que sur la première, ne lui reconnaître qu’une beauté spécifique et désintéressée, autrement dit, indifférente et égoïste, cela me paraît à la fois un lieu commun et une calomnie. M. Romain Rolland observe justement : « C’est une exception dans l’œuvre de Mozart que le pur objet d’art, qui n’exprime pas un sentiment, une passion, un état d’âme. » Gounod avait déjà dit : « Ce qu’on ne saurait trop remarquer, ni trop essayer de faire comprendre, ce qui fait de Mozart un génie absolument unique, c’est l’union constante et indissoluble de la beauté de la forme et de la vérité d’expression. Par la vérité, il est humain ; par la beauté, il est divin. Par la vérité, il nous touche, il nous émeut, nous nous reconnaissons tous en lui et nous proclamons par là qu’il connaît vraiment bien la nature humaine, non seulement dans ses différentes passions, mais encore dans la variété de forme et de caractère qu’elles peuvent affecter. Par la beauté, il transfigure